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Christophe Ono-dit-Biot *

Pour écrire avec lui Nuit espagnole, le romancier a passé une nuit au musée Picasso à confesser l’artiste Adel Abdessemed. Des aveux qui lui ont permis de redécouvri­r un livre oublié de l’écrivain Mouloud Mammeri.

- Propos recueillis par Louis-Henri de La Rochefouca­uld

« Bien des trésors cachés appartienn­ent à d’autres. Il arrive qu’on mette la main dessus parce que ces derniers nous en ont livré les coordonnée­s secrètes, dans un murmure. Cela a été le cas pour moi, cette nuit-là, enfermés que nous étions entre les murs du musée Picasso, à la recherche de l’esprit d’une toile mythique qui brillait par son absence, Guernica. Adel Abdessemed, artiste “à l’attaque” refusant toute muselière spirituell­e et physique, au rire qualifié de “satanique” par ceux qui meurent de peur – et donc ciblé par les fondamenta­listes de son pays natal, l’Algérie, et les autres –, avait fait une drôle de tête en découvrant les deux lits de camp installés pour nous dans le musée. Ils lui rappelaien­t sa séquestrat­ion par le GIA, Groupe islamique armé (“Daech avant Daech”, précisait-il, rappelant les slogans religieux écrits sur les murs au sang humain) quand il était étudiant aux Beaux- Arts d’Alger dans les années 1990. Il m’avait alors parlé de l’écrivain Mouloud Mammeri, qui avait raconté dans L’Opium et le Bâton (1965) la vie d’un petit village de Kabylie écartelé entre le FLN et l’armée française, la résistance et la lâcheté, les engagement­s clairs et les doubles jeux. J’ai lu depuis ce Guerre et Paix algérien et son titre m’obsède encore, parce qu’il a surgi pendant la nuit des lèvres d’un homme qui résiste à tous les opiums et répond coup sur coup, menant une guerre de libération des esprits qui nous concerne tous. »

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Christophe Ono-dit-Biot (à gauche) avec Adel Abdessemed.
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