L’ivresse des livres
« Il faut être toujours ivre. De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous » ! Jean-François et Simon Manier, créateurs
de la librairie L’Arbre vagabond*, au Chambon-sur-Lignon, semblent en parfait accord avec cette théorie baudelairienne.
En 2014, Jean-François Manier décide de créer sa librairie, aux côtés de son fils Simon, cuisinier de formation, en Haute-Loire. Une librairie-bar à vin atypique, logée à plus de 1 000 mètres d’altitude.
Mais l’histoire de ce lieu a commencé bien avant. Abritant d’abord une école communale fondée en 1913, qui fermera soixante ans plus tard pour cause d’exode rural, les locaux connaissent leur premier changement en 1978. C’est à cette époque que Jean- François fonde, avec son épouse, une imprimerie et une maison d’édition. Pendant trentecinq ans, les éditions Cheyne publieront poésie et prose contemporaines, notamment Matin brun (1998), une nouvelle de Franck Pavloff, qui connaîtra un immense succès lors des élections de 2002. Mais après avoir fait plusieurs fois le tour des librairies de France, un nouveau projet se dessine dans la tête du propriétaire de L’Arbre vagabond : créer un lieu différent, original, « où la parole circule et où les gens circulent aussi ». En 2013, l’imprimerie déménage et, un an plus tard, la librairie est née.
Dans l’établissement, cuisine et littérature se confondent harmonieusement. Les bouteilles de vin sont exposées sur les rayons. Des restes de tirages d’imprimerie sont utilisés comme sets de table. Sur les dessous-de-verre, on peut lire des mots ou des expressions. Ce lieu est à la fois « une vraie librairie et un vrai restaurant » . Ceux qui viennent acheter un livre repartent le ventre plein. Ceux qui viennent dîner repartent avec de la lecture. Qu’ils auront trouvée parmi les cinq thèmes originaux de la librairie. Ici, pas de rayons « Poche », « Polar » ou « Jeunesse », mais plutôt « Affaire de goûts, cuisine, vin et érotisme » ( où sont rangés les livres de Rabelais !), « Poésie, la belle aventure », ou encore « Le livre, dernier refuge de l’homme libre ? ». Chacun de ces thèmes regroupe livres neufs, d’occasion, soldés, grands formats et des poches, dans un désordre organisé, comme à la maison. Y prédomine l’idée que « les livres ont une histoire, et attendent un lecteur ». Vous n’y trouverez sans doute pas le dernier roman sorti, mais plutôt celui qu’il vous faut.
UN ARBRE AUX MULTIPLES RAMURES
En plus d’être une librairie, un bar à vin et un restaurant, L’Arbre vagabond organise aussi de nombreux événements tous les ans : expositions, rencontres bimensuelles (avec des auteurs, des éditeurs, des vignerons ou des musiciens), sans oublier les « Lectures sous l’arbre » . Lancé à l’époque de la maison d’édition, ce festival d’une semaine accueille chaque année en août des auteurs et éditeurs. Une grande librairie se déploie sous une tente, à côté de celle d’origine, et met un pays à l’honneur (la Corée cet été, l’Italie en 2020).
Et cet hiver, L’Arbre vagabond lance un nouveau concept, « Un mois pour », une série d’événements ayant pour thème un pays ou un peuple en lutte – cette année, la Palestine. Vous pourrez par exemple assister à une soirée de lecture et d’échanges, le 8 décembre, autour du poète palestinien Mahmoud Darwich. Et vous resterez bien pour un verre…