Lire

« Quand Leïla Slimani a vu le film, elle s’est demandé comment elle avait pu écrire une histoire aussi horrible »

Prix Goncourt 2016, Chanson douce est aujourd’hui porté à l’écran par Lucie Borleteau. La réalisatri­ce revient sur cette adaptation très attendue, avec Karin Viard incarnant une nounou terrifiant­e.

-

Comment avez-vous découvert Chanson douce ?

• Lucie Borleteau. Un producteur m’a mis le roman entre les mains avant qu’il n’obtienne le Goncourt. J’aimais à la fois l’aspect contempora­in, presque documentai­re dans la descriptio­n sociale, et la dimension conte maléfique qui pouvait tendre vers le film d’horreur. Je trouvais excitant de mélanger les deux. Le côté réel rend le cauchemar d’autant plus flippant.

Avez-vous rencontré Leïla Slimani ?

• L.B. Quand un livre de cette importance sort et que des producteur­s se disent intéressés, la maison d’édition fait une sorte de casting. J’ai donc rencontré l’auteure chez Gallimard tout en pensant que ça ne marcherait pas. J’ai dit à Leïla que la meilleure personne pour adapter son livre était Roman Polanski, mais qu’il n’était pas libre… J’ai aussi beaucoup pensé à Claude Chabrol. Les ancêtres de Chanson douce sont, selon moi, Le Locataire et La Cérémonie. Le rendez-vous s’est bien passé, mais Gallimard a choisi un autre projet, porté par Karin Viard et réalisé par Maïwenn, qui s’est finalement désistée. Pascal Caucheteux, le patron de Why Not, m’a donc proposé le film. J’ai accepté et suis partie d’une version du scénario écrite par Jérémie Elkaïm pour Maïwenn.

Quels étaient les principes de l’adaptation de Jérémie Elkaïm ?

• L.B. Il a voulu recentrer l’intrigue autour des personnage­s en enlevant les digression­s, cohérentes dans un roman mais difficiles à mener dans un récit pour le cinéma. Mais aussi raconter une histoire linéaire. J’ai ensuite remanié le scénario et notamment écrit les scènes de l’appartemen­t où vit Louise, la nounou. Je voulais que son milieu soit incarné. J’ai également rajouté le monologue de Myriam, la mère, dans lequel elle évoque la peur de la mort de ses enfants ; j’ai même repris exactement les mots de Leïla.

Leïla a-t-elle lu le scénario ?

• L.B. Oui, et elle m’a fait confiance tout de suite. Elle n’a demandé aucun changement. Comme dans toute adaptation, il y a des trahisons et de la fidélité. Quand Leïla a vu le film, elle s’est demandé comment elle avait pu écrire une histoire aussi horrible !

Comment s’est passé le choix du casting ?

• L.B. Karin Viard était pressentie dès le début et c’était une aubaine de l’avoir. Pour la mère, j’ai vu une dizaine d’actrices. J’ai fait des essais avec trois d’entre elles ; même chose pour le père. Pour ce rôle, il fallait un comédien avec lequel le public soit immédiatem­ent en empathie. Et je trouve Antoine Reinartz très touchant. Quant à Leïla Bekhti, nous avions envie, elle et moi, qu’elle ne ressemble pas à Leïla Bekhti : il fallait une femme très sûre d’elle et très à l’aise avec les codes de la bourgeoisi­e.

Quel style de mise en scène avez-vous adopté ?

• L.B. Bon point : le livre était déjà très visuel. Principe de base : garder la sensation de malaise. Plus on avance dans le film, plus le récit devient baroque. Il fallait donc qu’il soit très mis en scène, avec des mouvements et des cadres précis.

Enfin, avez-vous gardé la première scène du roman ?

• L.B. Ce fut, effectivem­ent, la grande question pendant toute la préparatio­n. J’ai essayé toutes les possibilit­és : la garder, ne pas la garder, la mettre ailleurs… Tous les lecteurs se souviennen­t de la première scène du roman ; je laisse au spectateur le loisir de la découvrir sur l’écran… Propos recueillis par Éric Libiot

Chanson douce de Lucie Borleteau (en salles)

 ??  ?? Karin Viard interprète Louise, la nounou envahissan­te, dans l’adaptation par Lucie Borleteau de Chanson douce de Leïla Slimani.
Karin Viard interprète Louise, la nounou envahissan­te, dans l’adaptation par Lucie Borleteau de Chanson douce de Leïla Slimani.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France