UN ROMAN, MONUMENTAL, SUR UN ÉCRIVAIN… QUI N’ÉCRIT PAS

Avec Solénoïde, son dernier opus de huit cents pages, le Roumain Mircea Cartarescu se projette dans un double inversé. Personnage médiocre et auteur raté, confronté à l’impossibilité d’écrire.

Il faut plonger dans le labyrinthique et monumental Solénoïde. La nouvelle pierre de taille de l’oeuvre monstre de Mircea Cartarescu, découvert en France il y a vingt ans avec Orbitor, et qui s’est depuis imposé comme l’une des voix les plus fortes de la littérature roumaine contemporaine. Le narrateur de son nouveau coup d’éclat est un curieux personnage qui enseigne depuis plus de trois ans dans une école de la périphérie, où il attrape des poux. Il aurait pu être écrivain mais n’a accouché que d’un poème en sept parties. Celui qui n’a « vraiment pas de bol avec les femmes » a eu un frère jumeau mort trop tôt, Victor, comme jadis le protagoniste de L’Aile tatouée (2009). Il se décrit comme un anonyme qui n’a « d’autre prétention qu’être le scripteur-lecteur-viveur » de sa propre existence. Laquelle l’amène à se perdre dans une vieille fabrique mystérieuse, à fréquenter les membres d’une secte mystique appelée les « piquetistes », à laisser libre cours à ses nombreuses chimères. À se souvenir d’une mère qui l’élevait « comme une petite fille sous les ciels immenses du faubourg », ou de l’adolescent « au seuil de la folie » qu’il fut, lui qui lisait la plus grande partie de la journée, avalant presque deux cents livres par an et prisant par-dessus tout le Journal de Franz Kafka ! Le Roumain, né en 1956 à Bucarest, vous attrape avec la richesse de sa langue et la maîtrise de son style restitué par la traduction de Laure Hinckel.

n Solénoïde par Mircea Cartarescu (Noir sur Blanc)