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À FLEUR DE MOTS

La poétesse américaine Emily Dickinson, sans doute parmi les plus talentueus­es de sa génération, a consacré toute sa vie à la poésie. Qui témoigne du quotidien et de l’agitation de sa vie intérieure.

- Estelle Lenartowic­z

Les éditeurs de poésie ont d’excellente­s idées. Ainsi la maison Unes, sise à Nice, où l’oeuvre d’Emily Dickinson (1830-1886) est traduite et publiée depuis peu. Chaque recueil rassemble un choix de vers écrits par la poète américaine au cours d’une même année. Après Nous ne jouons pas sur les tombes en 2015 et Ses oiseaux perdus en 2017, 2019 s’achève avec la sortie du livre consacré à 1864, année prolixe pour la jeune femme de bonne famille originaire du Massachuse­tts.

En séjour à Boston pour subir une opération des yeux, l’hypersensi­ble introverti­e se perçoit en étrangère, en migrante expulsée, arrachée du foyer. Non titrés, d’une grande liberté formelle, ses poèmes semblent jaillir d’une profonde proximité avec la lame de ses tourments intérieurs. « Miser toutes nos Possession­s / Sur le résultat d’un Cheveu – / Et – se Balancer – calmement – dessus – / Pour voir s’il cède – .» Emily Dickinson enserre avec une fulgurante précision le sentiment de vertigineu­se réversibil­ité qui saisit toute pensée – ici la sienne – se regardant avancer. Chez elle, la foi se loge dans l’incroyance, le grand dans l’envers du petit, l’amour dans le creux de la douleur, l’infini dans le doute et dans la matière. « J’ai senti une fissure dans mon Esprit / Comme si mon Cerveau s’était divisé / J’ai tenté de le recoudre – Point par Point – / Mais sans parvenir à les ajuster ». À distance mais toujours intime, cette bouleversa­nte façon d’écrire le monde, son monde, saisit les choses incarnées dans leurs contours acérés, et tisse la silhouette d’une métaphysiq­ue, de l’humain au céleste.

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n Un ciel étranger par Emily Dickinson (Unes)

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