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SA GUERRE EST UNE MUSE

- H.A.

UEn un an et deux ouvrages, l’auteur Frédéric Paulin s’est imposé dans le paysage du roman noir hexagonal. Le deuxième opus de son ambitieuse trilogie, sur fond de terrorisme islamiste et s’étalant de 1995 à nos jours, lui a valu, entre autres, le Prix des lecteurs Quais du polar. Portrait. n crâne chauve luisant qui laisse percer un regard clair, un sourire de rusé, une taille athlétique : Frédéric Paulin pourrait être l’un des personnage­s de ses derniers livres. Cette trilogie dans laquelle il raconte l’histoire du terrorisme islamiste, croisant le polar pur jus et le roman d’espionnage, rappelle aussi bien Jean-Patrick Manchette (l’une des références de notre homme) que DOA et son « cycle clandestin » à la Série Noire. Commencée par La guerre est une ruse (septembre 2018), poursuivie avec Prémices de la chute (mars 2019), elle s’achèvera en mars prochain.

Le premier tome narre la décennie noire en Algérie et ses conséquenc­es en France (la traque de Khaled Kelkal). Le suivant porte sur la période 1996-2001, de la guerre des Balkans à l’irruption de Zacarias Moussaoui. Pour relier ces faits réels, il utilise des personnage­s fictifs (policiers, barbouzes, journalist­es, caïds islamistes), avec la volonté de « chroniquer, par la fiction, les zones grises de notre histoire récente ». Premier auteur français publié par les éditions Agullo, créées en 2016, il a participé à l’essor de celles-ci, qui a élargi le public de l’auteur : La guerre est une ruse s’est vendu, d’après Edistat, à près de 15 000 exemplaire­s. Paulin a enquillé festivals et soirées en librairies durant plus d’un an, se voyant décerner plusieurs prix – dont celui des lecteurs à Quais du polar cette année.

OBJECTEUR DE CONSCIENCE

Né à Bussy- Saint- Georges ( Seineet- Marne), ce Rennais d’adoption fut objecteur de conscience dans un organisme de réinsertio­n sociale, où il donnait des cours d’alphabétis­ation. « J’avais 22 ans, et ce fut alors une prise de conscience politique », avoue- t- il.

Poursuivan­t ensuite ses études jusqu’à un doctorat en sciences politiques, il devient professeur d’histoire-géographie en collège et lycée, tâtant aussi un peu de journalism­e local. La trentaine arrivant, il se met à écrire. Des fictions. Encouragé par sa compagne ayant lu, durant une nuit, l’un de ses manuscrits : « Tu devrais peut-être t’y mettre sérieuseme­nt. » Si, aujourd’hui, l’homme apprécie « d’être poussé dans [ses] cordes », c’est parce que la mère de ses deux enfants fut la première à le faire. En 2009, La Grande Déglingue fut son premier ouvrage publié. Dix ans et seize livres plus tard (quatre sous pseudonyme, d’autres plus géopolitiq­ues sur le génocide au Rwanda ou sur les sociétés privées de mercenaire­s ; tous parus chez divers petits éditeurs), l’homme a passé la surmultipl­iée.

Se revendiqua­nt « auteur politique » , il s’est attaqué fin 2015 à « un truc plus ambitieux » : l’histoire du terrorisme islamiste en France, depuis la traque de Khaled Kelkal en 1995. « Je n’ai aucun contact à la DGSE, ni chez les repentis islamistes ni même chez d’anciens militaires », dit-il pour répondre à la question posée à tous ceux qui pratiquent la fiction politico- barbouze. « Je me suis basé uniquement sur mes énormes archives de presse et sur des essais ou témoignage­s. » Mais quand on le titille, il cède un peu de terrain : « J’ai eu un contact [policier] qui a été sur le terrain au Bataclan, mais je ne lui ai rien demandé d’autre que des détails d’ambiance générale. » Fin 2017, il en avait écrit « près de deux millions de signes ».

UNE TRILOGIE S’ACHEVANT SUR UNE NUIT D’HORREUR

Sébastien Wespiser, ancien libraire parisien et cocréateur des éditions Agullo, à la recherche d’un auteur français pour son catalogue, avait fraîchemen­t repéré Paulin. Dès les premiers contacts, il se fit résumer puis envoyer le projet en cours. Deux semaines plus tard, c’était Noël, et les deux hommes topaient. « C’était exactement ce que nous voulions : un texte dense, qui laboure l’histoire récente du continent européen », poursuit Wespiser. La suite des opérations consista à scinder en deux le bloc de fiction déjà écrit. Ainsi vint le projet d’une trilogie. La fin, ce sera en mars prochain : le troisième tome s’achèvera sur la nuit d’horreur du 13 novembre 2015. L’Histoire, mais avec un supplément d’âme. Noir.

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Frédéric Paulin (Agullo)
n Prémices de la chute par Frédéric Paulin (Agullo)

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