Robespierre fait-il un bon héros de thriller ?
Dans La Chute, Jacques Ravenne raconte les trois jours qui virent tomber Robespierre en 1794. Si la fin est connue, le suspense reste entier. Méfiez-vous de l’eau qui thermidor…
On sait comment Joseph de Maistre, taquin, résumait les événements ayant eu lieu à Paris du 8 au 10 thermidor de l’an II : « Quelques scélérats firent périr quelques scélérats. » C’est un peu rapide.
De ces journées historiques, Jacques Ravenne a tiré un thriller où tout est vrai, trois actes qui se lisent comme on regarderait une mini-série riche en personnages flamboyants, de Saint-Just à Thérésa Cabarrus. Certes plus flegmatique, Robespierre n’en est pas moins romanesque : avec sa perruque poudrée, son visage grêlé par la variole, son habit cintré, son pantalon de nankin blanc, ses souliers à boucles d’argent et ses lunettes vertes aux verres fumés, le sphinx de la Révolution avait ce dandysme glacial propre aux meilleurs méchants. Comment se fait-il que ce stratège n’ait pas su déjouer la conspiration qui devait le mener à l’échafaud du jour au lendemain ? C’est ce que raconte La Chute, en alternant décors et points de vue. Des tribunes de la Convention aux coulisses les plus obscures, Ravenne met en scène Barras, Barère et Tallien, lancés dans un contre-la-montre pour sauver leur peau. Pour la chasse à l’homme, ils peuvent compter sur Fouché, dont la tête ne tient plus qu’à un fil, et qui tire les ficelles dans l’ombre. Fouché a connu l’Incorruptible à Arras, ils se détestent cordialement, la place est trop petite pour deux, l’un d’eux doit disparaître. Quand on apprécie les gens de sang-froid, leur duel à distance est des plus savoureux. La foule, elle, était moins stoïque : Robespierre put s’en apercevoir avant que Sanson ne le raccourcisse – les innombrables spectateurs n’étaient qu’insultes et rires gras. À lire les pages que Ravenne leur consacre, on regrette que la guillotine ne soit plus autorisée par chez nous : elle donnait lieu à de belles scènes de liesse populaire. ★★★☆☆
LA CHUTE PAR JACQUES RAVENNE, 276 P., PERRIN, 19,90 €