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Tina Modotti, photograph­e pas cliché

Dans une biographie romanesque, Gérard de Cortanze signe le portrait d’une artiste oubliée du siècle dernier qui, au confort d’une vie de photograph­e mondaine, préféra risquer la sienne en passant de l’autre côté de l’objectif.

- L.-H.L.R

Tina Modotti ne faisait pas le même métier que David LaChapelle : il ne s’agissait pas pour elle de vivre grassement sur le dos de la mode et de la publicité en commettant des abominatio­ns toutes plus kitsch les unes que les autres. C’est ce que montre Gérard de Cortanze dans son nouveau roman, Moi, Tina Modotti, heureuse parce que libre. Pour cette ardente Italienne née dans le Frioul en 1896, la photograph­ie était liée à la vie, à des valeurs, et, pardon d’employer un mot aussi pompeux, à des combats. Son destin l’envoya en Californie, au Mexique, en Allemagne, en Russie et à nouveau au Mexique, où elle mourut en 1942 dans un taxi qui la ramenait d’un dîner. Elle n’avait que 45 ans. Des années plus tôt, après avoir déjà perdu un mari et collection­né quelques amants, elle avait eu l’idée folle d’embrasser une cause : le communisme. Elle avait été modèle (pour Edward Weston et Diego Rivera), elle était devenue photograph­e, elle serait désormais militante. C’est ce qui rend émouvante la trajectoir­e de cette femme de caractère : avoir tout donné pour des illusions sanguinair­es, et s’en être sans doute rendu compte au soir de son existence, à l’heure du pacte germano- soviétique, alors qu’il ne lui restait plus que trois ans à vivre. Elle était morose, et même cyclothymi­que. Et dire qu’elle a gâché des années de sa vie pour une idéologie qui ne lui plaisait pas ! En 1930, elle avait renoncé à l’art pour l’activisme coco. De 1935 à 1939, elle s’était engagée dans la guerre d’Espagne. À partir de 1939, de retour à Mexico, elle consacra ses dernières forces à aider les réfugiés. Cela appartient au passé. Il est temps de revoir ses photos : le noir et blanc lui allait mieux que le rouge.

★★★☆☆ MOI, TINA MODOTTI, HEUREUSE PARCE QUE LIBRE PAR GÉRARD DE CORTANZE, 384 P., ALBIN MICHEL, 21,90 €

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