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Les liens du sang

Tout à la fois fille et mère, Blandine de Caunes raconte avec pudeur et sensibilit­é la manière dont elle a eu à affronter un double deuil en quelques mois. Au sein d’une famille où la vie a toujours été célébrée.

- Laëtitia Favro

★★★★☆

LA MÈRE MORTE PAR BLANDINE DE CAUNES, 220 P., STOCK, 20 €

L «a Mère morte, je ne savais pas en choisissan­t ce titre […] qu’il aurait un terrible double sens. » Au printemps 2016, Blandine de Caunes accompagne sa mère, l’intellectu­elle et militante féministe Benoîte Groult, dans sa lutte contre Alzheimer, quand sa fille Violette, 36 ans, décède dans un accident de voiture. L’ordre du monde est dès lors doublement inversé pour celle qui, devenue la mère d’une mère sombrant dans la maladie, doit organiser les obsèques de son enfant. « J’ai perdu le 1er avril ma fille unique et, le 20 juin, ma mère unique. Maman est un mot qui a disparu de ma vie. Je ne le dirai plus et je ne l’entendrai plus. »

Il n’existe pas ( sauf en hébreu) d’expression pour désigner l’état de parents ayant perdu un enfant, comme si le langage était impropre à rendre son indépassab­le cruauté. Pourtant, le témoignage de Blandine de Caunes réussit à dire, sans fausse pudeur ni langue de bois, l’indicible. Habité par la force et la sincérité transmises par une dynastie de femmes portées par un goût immodéré de la vie, La Mère morte n’a rien de lugubre et surprend son lecteur tantôt un sourire aux lèvres, tantôt une larme au coin des yeux. À travers différents moments d’un quotidien réinventé par la maladie, l’auteure éclaire avec une tendresse communicat­ive les derniers mois de la « Commandeus­e », icône de la lutte féministe, mais également du droit de mourir dans la dignité, un droit qu’elle avait fait valoir dès 2006 dans La Touche étoile et dans son journal intime.

Un goût forcené pour la vie

Difficile de ne pas comprendre, à la lumière de ces écrits, la décision de Blandine de Caunes et de sa soeur d’« aider » leur mère à mourir, respectant la dernière volonté d’une femme qui, en dépit d’une maladie qui la rend méconnaiss­able aux yeux de ses proches, les soutient face au décès soudain de Violette. « C’est maman qui m’a aidée à surmonter la mort de Violette. […] Maman et son goût forcené pour la vie qu’elle m’a transmis, comme sa mère le lui avait transmis. » Sublime déclaratio­n d’amour d’une fille à sa mère, d’une mère à sa fille, La Mère morte s’inscrit dans la lignée d’une oeuvre tant collective qu’intime, susceptibl­e de toutes et tous nous inspirer.

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