À tort ou à déraison
★★★★☆
LES ENFANTS DES AUTRES PAR PIERRIC BAILLY,
208 P., P.O.L, 18 €
Avec Pierric Bailly, le réel est souvent passablement distordu. Cet écrivain talentueux, qui a débarqué sur le devant de la scène littéraire en 2008 avec Polichinelle, on l’avait laissé après le poignant Homme des bois. L’auteur de Michael Jackson nous revient avec un tour de force intitulé Les Enfants des autres. Nous voici à nouveau transportés dans le Jura, avec ses forêts, ses lacs, ses sandwiches mortadelle-cancoillotte. Bobby, le narrateur, porte le prénom de son grand-père, Robert, qu’il n’a pas connu, emporté par un cancer des poumons peu avant la naissance de son petit- fils. Ouvrier en bâtiment, employé par une SARL de maçonnerie générale, il est surnommé « Bobinette » par ses collègues de chantier. Quand s’ouvre le roman, on apprend que Bobby est marié avec Julie, qui travaille à l’office du tourisme, et qu’ils ont trois garçons dont des jumeaux. Dans les parages, on croise également Max, le meilleur ami, qui vit avec Alexa, ou encore la fringante grand- mère, Jeannette, qui boit du « Nicaragouaïlle » et a toujours inventé des mots bizarres. Jusqu’ici, tout a l’air à peu près normal dans ce patelin de province comme les autres. Sauf que l’affaire ne va pas tarder à se compliquer sérieusement, comme ce fut jadis le cas dans La Moustache d’Emmanuel Carrère… Imperturbable maître d’oeuvre, Pierric Bailly signe un roman fascinant où le lecteur ne sait jamais ce qu’il doit croire et ne pas croire. Quelle vérité sort tour à tour de la bouche de ce Bobby, devenu accro aux médicaments à la suite d’une blessure au doigt qui a fini par s’aggraver ? On ne dévoilera rien de plus de l’intrigue et de ses méandres, préférant conseiller d’aller se perdre au plus vite dans un labyrinthe hautement vertigineux.