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L’enfance de l’amour

Avec Les Inconsolés, Minh Tran Huy écrit un conte d’amour moderne, empreint de légendes, de rêves et de littératur­e.

- Gladys Marivat

★★★☆☆

LES INCONSOLÉS

PAR MINH TRAN HUY,

320 P., ACTES SUD, 21,50 €

Si l’art façonne notre perception du monde, qu’en est-il de l’amour ? Serions- nous enclins à aimer si fort, avec passion ou romantisme, s i nous n’avions jamais lu les poèmes de Verlaine et les contes de Perrault, ou regardé longuement La Naissance de Vénus de Botticelli ? Ainsi, c’est à travers les descriptio­ns que fait l’écrivaine Edith Wharton de la bourgeoise new-yorkaise dans ses romans que Lise aborde le cadre somptueux de l’hôtel particulie­r parisien de son nouvel amoureux. Tout l’oppose à Louis, même s’ils fréquenten­t la même école prestigieu­se dans les beaux quartiers de la capitale. Métisse, élevée dans l’ombre de parents aux origines modestes qui ont réussi à mener de brillantes carrières scientifiq­ues à force de travail, Lise ne vit que pour la littératur­e et les arts. Personne, à commencer par elle, ne comprend ce qui l’attire irrésistib­lement vers ce jeune homme blond aux yeux d’un « bleu pur », issu de la grande bourgeoisi­e et né pour triompher. Minh Tran Huy raconte leur amour naissant improbable, avec un style épatant, entre l’analyse sociologiq­ue et le conte de fées. Car, au coeur de leur romance, entre maison secondaire en Normandie et voyage de luxe en Italie, il y a le château d’Étambel que Lise aimait fréquenter quand elle était enfant, et où deux amants se sont aimés désespérém­ent. Ce récit alterne avec un autre, dont la temporalit­é englobe les années qui suivront leur histoire d’amour violemment avortée et les souvenirs de jeunesse de Lise.

Rêver pour réinventer sa vie

Une enfance malheureus­e, tyrannisée par une mère qui lui préférait sa soeur, plus jolie, plus claire de peau. Jusqu’au jour où les livres, son « fil d’Ariane », sauvent Lise. « Car pourquoi lire, sinon pour déchiffrer ce et ceux qui vous entourent, décrypter les sentiments de votre famille, vos amis, vos ennemis, les mécanismes de la société comme ceux de la personne aimée, appréhende­r d’où vous venez et ce qui vous porte, en somme rendre moins impénétrab­les les questionne­ments dont nous sommes tramés ? », remarque la jeune femme. La force de Minh Tran Huy est de mettre à mal la lucidité qu’engendrera­it la fréquentat­ion des livres. Car, comme toujours chez cette écrivaine rare et précieuse, il n’est pas tant question de la vie vécue que des rêves qui la rendent réelle, et nous permettent de la revisiter, de la réinventer. Encore et encore.

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