Il était une fois le Mozambique

★★★★☆ LES SABLES DE L’EMPEREUR PAR MIA COUTO, 672 P., MÉTAILIÉ, 25 €

Elle s’appelle Imani. Son nom signifie « Qui est-ce ? », mais ses parents la surnomment « la Vivante », car ses soeurs sont mortes noyées et ses frères ont fui. « Je ne suis pas née pour être une personne. Je suis une race, je suis une tribu, je suis un sexe, je suis tout ce qui m’empêche d’être moimême », constate la jeune fille. La belle Imani vit avec sa mère et son père, alcoolique, facteur de balafons, catholique et soutien des Portugais. Au xix e siècle, ces derniers tentent d’affirmer leur domination dans le sud-est de l’Afrique, contre les appétits britanniques et la résistance de l’empereur Ngungunyane.

À travers le regard de cette héroïne qui parle portugais et ne rêve déjà plus dans sa langue maternelle, Mia Couto nous plonge dans son Mozambique intime où les silences s’accordent, où la nuit épaisse avale les rêves, où les maisons dévorent les habitants dans leur sommeil. Imani est, selon son père, telle la chauve-souris, mi-oiseau, mi-rat : « Les mondes se mélangent à l’intérieur » d’elle. Désignée comme interprète des colons, elle s’éloigne des siens et tombe amoureuse du sergent Germano, le second narrateur. Conçu à l’origine en trois romans, Les Sables de l’empereur paraît en France sous la forme d’une vaste fresque. Couto y raconte la chute de l’un des derniers empires du continent à travers l’histoire tragique de l’empereur Ngungunyane – vaincu, déporté à Lisbonne et mort aux Açores – et le choc de la rencontre coloniale, vu des deux côtés. Sublime.