L’inaccessible étoile
Révélé avec Les Pêcheurs, le Nigérian Chigozie Obioma revient avec un splendide roman d’amour, raconté par un esprit.
★★★☆☆
LA PRIÈRE DES OISEAUX (AN ORCHESTRA OF MINORITIES) PAR CHIGOZIE OBIOMA, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR SERGE CHAUVIN 528 P., BUCHET-CHASTEL, 25 €
Chigozie Obioma a un incroyable talent de conteur. Né en 1986, l’auteur nigérian nourrit une vision symbolique du monde, inspirée des croyances et des légendes ancestrales, dans une prose poétique qui colle au plus près des sentiments de ses personnages. Ces derniers sont de doux rêveurs malmenés par le poids du destin, brutalement défaits de leurs rassurantes attaches pour être jetés dans un futur incertain. C’était le cas dans son premier roman, Les Pêcheurs, où la prophétie d’un fou déclenche une rivalité entre deux frères et la débâcle d’une famille.
Peut-on jamais fuir le futur auquel notre condition nous assigne ? Cette question est au coeur de son nouveau roman, finaliste du prestigieux Booker Prize. La Prière des oiseaux relate la rencontre entre Chinonso, un modeste « gardien de volailles » orphelin et solitaire, et Ndali, une étudiante en pharmacie issue d’une famille d’intellectuels de la classe aisée. Quand ils se rencontrent, elle est à deux doigts de se jeter d’un pont. Il la convainc de ne pas le faire, en lui montrant, volaille à l’appui, ce qu’une telle chute lui réserve. Plus tard, ils se recroisent et commencent à s’aimer, en dehors de toute contrainte. La présentation aux parents leur inflige un sévère rappel à la réalité : Chinonso ne mérite pas sa fille, explique le père de Ndali. Humilié, le jeune éleveur décide de vendre tout ce qu’il possède sur cette Terre pour partir étudier à Chypre afin de revenir au Nigeria diplômé, digne de son aimée.
Un classique du roman d’amour
L’histoire entre la princesse et le pauvre marchand (ou éleveur) prêt à tout pour séduire sa belle est un classique mondial du roman d’amour. La grande originalité d’Obioma est de la raconter par l’intermédiaire de l’esprit de Chinonso. Un « chi » qui habite le monde depuis son commencement et pense avoir tout appris des humains, mais que ces derniers, jamais à court d’imagination, n’ont pas fini de surprendre. Et c’est ainsi, par le biais des réflexions de l’esprit, qu’Obioma illustre l’incroyable force des histoires, et notre besoin irrépressible de les écrire et de les lire.