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Plus dure sera la chute

Dans ce second roman, Estelle-Sarah Bulle analyse le poids de la culpabilit­é – justifiée ou non – pesant sur sa jeune héroïne, Issa.

- Raphaële Botte

★★★☆☆

LES FANTÔMES D’ISSA PAR ESTELLE-SARAH BULLE, 128 P., L’ÉCOLE DES LOISIRS, 12,50 € (DÈS 12 ANS)

Le roman s’ouvre sur un geste. Issa, 12 ans, a décidé de poser ce qui l’empêche de grandir sereinemen­t. Nous voilà désormais complice de ce qui lui fait tant honte. Ses souvenirs ne trompent pas et ne laissent aucune place à l’indulgence : Issa est persuadée d’avoir tué un enfant de sa classe quand elle était encore à l’école primaire. La chute n’était pas un accident, Mathis n’est pas tombé tout seul du muret de ce village abandonné, dont elle a encore des images en tête. Comment continuer à le cacher à ses parents ? Eux qui ont quitté Mayotte et ne veulent surtout pas faire de vagues pour être tolérés dans une société pas toujours très accueillan­te. « On dirait que mes parents sont tout le temps en train de passer un examen. », écrit-elle.

La romancière épingle avec subtilité cette gêne d’exister, cette manie de s’excuser de tout. Les Fantômes d’Issa raconte comment la jeune héroïne vit avec ce secret obsédant au milieu de cette ambiance étriquée, de quelle manière elle le cache et évite Belzun, ce camarade qui aurait été témoin de la scène… Mais Mathis ressurgit sans cesse, tel un fantôme obligeant Issa à regarder sa faute en face. Ce court roman a la magie de réussir à tourner autour d’un acte violent avec une forme de douceur. Ligne après ligne, on découvre Issa et on se dit qu’elle ne mérite pas de se faire tant de mal, qu’il doit y avoir quelque chose pour expliquer ce geste, pour la dédouaner… Estelle-Sarah Bulle (Là où les chiens aboient par la queue) décrit avec justesse la perversité d’un lourd secret. Et combien la délivrance est belle.

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