Ce n’est pas la mort
Professeur en hématologie, spécialiste des leucémies, Hélène Merle-Béral se penche sur le grand mystère de la mort et sur la façon dont, depuis les temps les plus anciens, les civilisations y ont fait face. Comment, aujourd’hui, elles envisagent de la mettre en échec.
★★★★☆
BIOLOGIE DE L’IMMORTALITÉ PAR HÉLÈNE MERLE-BÉRAL, 180 P., ODILE JACOB, 20,90 €
Qui n’a rêvé d’échapper à la vieillesse et, surtout, à la mort ? Toutes les sociétés, de tous les temps, ont inventé des actions, des rituels, des prières, pour donner un sens à la mort, éviter d’être rejeté pour toujours dans le néant. Reprenant la déclaration de Freud, « chacun de nous est persuadé de son immortalité », Hélène Merle- Béral, professeure d’hématologie, analyse dans ce livre passionnant la manière dont les humains affrontent la mort, les méthodes des scientifiques pour tenter de l’éloigner, et comment de nouveaux projets veulent tout simplement l’effacer.
Biologie de l’immortalité, le titre de cet ouvrage, donne une idée faible de tous les thèmes qui y sont abordés. Les religions et les cultures ont mis en scène la mort, impliquant une autre vie invisible. Depuis les premières sépultures des Néandertaliens, avec leurs objets précieux et leurs fleurs, jusqu’aux cérémonies complexes de l’Égypte antique, en passant par les croyances des chrétiens, tout est organisé pour donner un sens à une vie après le décès. D’ailleurs, la nature donne de multiples exemples d’existences sans fin. Des arbres vivent des milliers d’années, d’autres se renouvellent constamment. Des hydres restent éternellement jeunes, des homards résistent au temps. Il y a là un immense champ de recherches que les biologistes investissent depuis peu. Délabrement physique, déclin de la pensée, perte de soi-même, le vieillissement est, comme le disait le général de Gaulle, un naufrage. L’auteur montre à quel point cela est compliqué. La notion de mort est elle-même en train de changer. Or toutes les sciences se mobilisent pour l’éloigner. Tous les laboratoires du monde cherchent les méthodes pour guérir et repousser l’inéluctable. Les pages les plus dramatiques sont celles qui traitent du transhumanisme. Un courant de pensée qui voudrait, en associant la médecine et l’informatique, supprimer la mort elle-même. De plus en plus de groupes investissent ce secteur, certains de son succès. Hélène Merle- Béral en montre les dangers : d’un côté les immortels, de l’autre leurs esclaves. Il est temps de réagir.