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Hopper, côté Suisse

Edward Hopper, l’un des plus grands peintres américains du XXe siècle, est honoré à Bâle.

- Gabrielle Martin

Sur un versant de pâturages verts se dressent d’impression­nantes formations de roches projetant des ombres obliques et créant ainsi des effets de lumière dramatique­s. Le terrain descend en pente raide, faisant deviner la proximité de l’océan. Edward Hopper a peint ce tableau, Cape Ann Granite, au cours de l’été 1928. Propriété de la collection Rockefelle­r, cette toile est désormais conservée à la Fondation Beyeler, à Bâle, en tant que prêt permanent. Le musée suisse organise une exposition passionnan­te sur la représenta­tion de la nature toute-puissante par l’artiste américain (1882-1967), un aspect de son oeuvre rarement exploré puisqu’il a accédé à la célébrité essentiell­ement grâce à ses paysages urbains déserts et mélancoliq­ues.

L’un de ses plus fervents admirateur­s, le cinéaste allemand Wim Wenders, a réalisé un court-métrage en 3D de quatorze minutes (visible à la fin du parcours composé de 65 toiles), intitulé Two or Three Things I Know about Edward Hopper. Hypnotique et émouvant, le film rend hommage au maître new-yorkais à propos duquel le cinéaste dit : « J’ai été frappé par ses interrogat­ions existentie­lles, ses éclairages et ses cadrages. J’ai voulu permettre au public de plonger dans l’univers de ce créateur d’images qui ont marqué à jamais la mémoire collective. » « Edward Hopper », Fondation Beyeler de Bâle. Jusqu’au 17 mai. Le catalogue de l’exposition (en anglais ou en allemand) est disponible sur : shop.fondationb­eyeler.ch

Une sirène à Paris est un projet atypique car il s’agit à la fois d’un roman, d’un long-métrage et d’un album de chansons, pourriez-vous revenir sur sa genèse ?

• Mathias Malzieu. Il y a cinq ans, j’ai été hospitalis­é pour une greffe de moelle osseuse. Durant cette période, je n’ai malheureus­ement pas pu aller défendre mon film Jack et la Mécanique du coeur pour sa sortie en salles. J’avais l’impression qu’on m’avait volé quelque chose sur quoi j’avais travaillé pendant six ans. Il fallait absolument que je remette les compteurs à zéro en m’impliquant totalement dans un nouveau projet. J’avais plein d’idées, mais c’est l’histoire de Gaspard, ce chanteur qui se croit immunisé contre l’amour, à qui il va arriver la chose à la fois la plus terrible et la plus belle : tomber amoureux d’une sirène. À partir de là, je suis moi-même tellement tombé amoureux de l’idée que j’ai écrit, en même temps, le livre, le scénario et les chansons.

Entre les sorties du livre, du film et de l’album, il s’est écoulé à peine un an, ça n’a pas été trop difficile à gérer ?

• M.M. Artistique­ment, ce projet a été extraordin­aire car j’avais l’impression de tout le temps changer de poste. Alterner entre le livre, le scénario et l’album m’obligeait à constammen­t modifer le point de vue. Cette expérience s’est révélée très riche et très joyeuse. Même si, parfois, c’était un peu compliqué car il y avait toujours un flux tendu. Au fur et à mesure que je tirais les bobines, je me rendais compte que j’étais le capitaine non pas d’un mais de trois bateaux, et il a fallu gérer simultaném­ent les attentes des producteur­s, de l’éditeur et de la maison de disques.

Vous avez su créer, à travers vos différente­s oeuvres, un véritable univers. Avez-vous l’intention de le développer par le biais d’autres médias ?

• M.M. Les créateurs de mondes comme Charlie Chaplin, Roald Dahl, Tom Waits ou John Fante m’ont toujours beaucoup inspiré. Je ne sais pas si je le ferai à travers d’autres médias, mais créer un univers constitue ce qui me fait le plus rêver. J’aime les histoires parallèles, l’idée de passer d’un protagonis­te à un autre, des confluents et des affluents à une rivière principale, et d’avoir à dispositio­n de véritables « matériaux à surprises ». Décliner une même histoire dans un livre, un film et un album, comme je l’ai fait avec Une sirène à Paris, était une manière de créer du lien avec les gens et de leur proposer une sorte de « chasse au trésor ».

On trouve des motifs récurrents dans chacune de vos oeuvres, dont l’idée de danger lié au temps qui passe et au fait de ressentir les choses trop intensémen­t…

• M.M. Cela vient du fait que je suis à la fois un hyper-sensible et un hyperactif. C’est autant un cadeau qu’un fardeau qu’il faut apprendre à utiliser. Je suis créatif parce que j’ai besoin de donner une forme à cette hyper-sensibilit­é qui, sinon, peut se retourner contre moi. La poésie, le conte, l’imaginatio­n me permettent de la canaliser et de partager au lieu de m’isoler. La question du coeur qui menace de s’arrêter ou d’exploser dans La Mécanique du coeur et Une sirène à Paris participe à cette métaphore. Sylvain Tesson disait que l’écriture est de l’ébénisteri­e. C’est tout à fait vrai, parfois on raconte toujours les mêmes histoires, mais ce n’est pas grave. Je me refuse cependant, par honnêteté intellectu­elle, à transforme­r les choses en exercices, je veux continuer à faire ce qui me tient à coeur car, même si je me trompe, je raconte ce que je ressens.

Une sirène à Paris de Mathias Malzieu avec Nicolas Duvauchell­e, Marilyn Lima, Rossy de Palma

(En salles le 11 mars)

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Cape Ann Granite, 1950.
 ??  ?? Nicolas Duvauchell­e, Marilyn Lima et Tchéky Kario dans le film Une sirène à Paris.
Nicolas Duvauchell­e, Marilyn Lima et Tchéky Kario dans le film Une sirène à Paris.
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