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Agnès Ledig*

« L’envie d’écrire reviendra, quand la vague sera partie »

- Propos recueillis par Gladys Marivat * Dernier livre paru : Se le dire enfin (Flammarion).

J «e pourrais vivre ce confinemen­t avec sérénité, me réjouir de ces instants soudain disponible­s pour lire, écrire, passer du temps en famille, en attendant que la vague reparte. Mais les émotions se bousculent en moi, mélange de tristesse et d’espoir, de dépit et d’allant. En Alsace, la situation est grave, les urgences débordent, les soignants souffrent, la population aussi. Les familles pleurent leurs morts dans un confinemen­t cruel qui les prive de l’essentiel : le dernier au revoir. Je pensais avoir laissé derrière moi le métier de sage- femme pour devenir romancière à temps plein, tourner la page pour en rédiger des centaines d’autres. Aujourd’hui, pourtant, mon coeur est avec les soignants. Je pense à eux, à leur dévouement, au manque insupporta­ble de moyens. Je vais reprendre des gardes en maternité, comme auxiliaire de puéricultu­re – n’ayant plus les compétence­s médicales d’une sage-femme. Je prendrai soin des bébés et de leurs mamans, qui donnent la vie dans ce contexte mortifère. L’écriture n’est plus au premier plan, ou alors sur les réseaux sociaux pour essayer d’alerter, de réconforte­r, de mettre un peu de poésie sur la peine. À l’image de la société, ils véhiculent autant de paroles nauséabond­es que de preuves de bienveilla­nce et d’humour. Cet humour, heureuseme­nt, qui tourne en dérision le dérisoire. Car tout est dérisoire en ce moment. Sauf de sauver des vies humaines, celles des patients en réanimatio­n, des personnes âgées en Ehpad, des femmes ou des enfants confinés avec leur bourreau, ou des coeurs qui lâchent sans qu’on puisse les rattraper.

L’envie d’écrire reviendra, quand la vague sera partie, comme l’eau se retire sur la plage en dessinant des arbres dans le sable. L’écriture reviendra, car nous aurons besoin d’un nouveau récit pour offrir à nos âmes confinées l’espoir d’un monde meilleur. Je continuera­i, comme dans mes précédents romans, à parler de la bonté des hommes, de la nature, de la simplicité et du respect que nous devons retrouver pour offrir à nos enfants non pas un avenir meilleur, mais un avenir tout court. »

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La place Kléber de Strasbourg au temps du confinemen­t, le 20 mars.
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