APPEL À LA CRÉATION D’UN FONDS DE SOUTIEN
Face à la crise du coronavirus, le Syndicat de la librairie française (SLF) a appelé début avril à la création d’un fonds de soutien aux librairies. Le SLF prévoit que les établissements fermés depuis mi-mars se retrouveront d’ici peu face à « un mur d’endettement infranchissable », contraignant certains à mettre définitivement la clé sous la porte, avec des conséquences désastreuses sur les éditeurs, les auteurs ainsi que sur « la vie culturelle, sociale et économique » des villes et des quartiers. D’où la proposition d’un fonds d’intervention associant l’État, les régions et des partenaires privés. Il permettrait de distribuer des subventions aux librairies afin de couvrir leur perte d’exploitation pendant la période de fermeture, et de relancer leur activité.
à des risques sanitaires, beaucoup ont néanmoins conseillé à leurs clients de lire ce qu’ils avaient déjà à domicile, et de revenir les voir une fois le confinement terminé. Ce nouveau partage du marché du livre a cependant eu des effets immédiats sur le type d’ouvrages achetés. En cause : la sélection des hypermarchés et des grands sites de ventes en ligne, les algorithmes de ces derniers mettant systématiquement en avant les bestsellers. Les nouveautés poche de 2019 (Aurélie Valognes, Guillaume Musso, Marc Levy, Michel Bussi) et les nouveautés grand format 2020 (les mêmes auteurs et Leïla Slimani) se sont ainsi taillé la part du lion, ne laissant aucune chance aux titres moins repérés.
De nombreuses librairies, toutes tailles confondues, misent par aillleurs sur le livre numérique. Au Furet du Nord, les ventes ont été multipliées par deux, voire par quatre certains jours. La plateforme Youboox propose depuis mi-mars une offre de 250 000 titres à lire en ligne pour 0,99 euro par mois pendant trois mois, tandis que « la Fnac met en avant son offre de lecture numérique, Kobo by Fnac pour les e-books et audio-books, et Izneo pour la BD numérique », explique Audrey Bouchard, la responsable du service de presse. De fait, la vente des ouvrages numériques a explosé, et beaucoup prévoient un impact durable du confinement sur les habitudes de lecture. Suivant cette tendance, le livre audio constate une hausse d’environ 50% de ses ventes [voir encadré ci-dessus], stimulé par des offres d’abonnement peu nombreuses mais attractives. Malgré la riposte en ligne, les pertes pour les librairies s’annoncent colossales, et la profession compte sur les aides du gouvernement, et parfois des clients.
Des pertes encore difficiles à chiffrer
Si le premier souci des responsables de librairies a été d’organiser le suivi de leurs employés, de mettre en place le chômage partiel et le maintien éventuel d’une activité, le chiffrage des pertes subies débute à peine, d’autant que la reprise s’annonce longue. « Ce n’est pas tant la période de confinement qui inquiète les libraires que le redémarrage », indique Benoît Bougerol, propriétaire de deux librairies et ancien président du Syndicat de la librairie française. Car le pire serait de sortir de la période du confinement sans trésorerie pour pouvoir acheter les nouveautés. La plupart des parutions de mars, avril et mai ont été reportées en juin, ou à la rentrée littéraire. Plus de 5 000 titres, tous genres confondus, ont été décalés. Autre mesure de solidarité : la plupart des éditeurs et des distributeurs ont annoncé aux libraires le report de deux mois des échéances de mars, avril et mai. Le temps pour tous de souffler et de voir venir.
Si le soutien de sa clientèle lui fait chaud au coeur, Hélène Woodhouse s’inquiète non pas pour sa librairie, inaugurée il y a seize mois, mais pour des établissements très spécialisés. « Mes voisins vendent des comics importés pour la plupart des États-Unis. Les Américains n’ont pas du tout mis en place des reports d’échéances comme ont pu le faire les fournisseurs français. Donc, eux ont besoin tout de suite du soutien de leurs clients, car à la fin du mois, ils doivent payer. » La France serait donc toujours une exception culturelle, même en période de crise ? « Les librairies ont la chance d’appartenir à un secteur structuré et solidaire, au sein duquel l’information circule. Pour autant, l’incertitude plane quant à la reprise de l’activité : les gens reviendront-ils au livre où se tourneront-ils vers d’autres achats ? En auront-ils les moyens ? Nous ne sommes pas face à une crise de la librairie mais face à une crise globale, mondiale, touchant chaque secteur d’activité », conclut Benoît Bougerol. Devant le cataclysme qui s’annonce, beaucoup s’accordent à dire qu’il faudra un soutien massif de l’État. Bien au-delà des 5 millions d’euros annoncés par Bruno Le Maire, comme le souligne la tribune « Pour le boycott d’Amazon ! Pour un soutien massif au secteur du livre ! » publiée le 23 mars dans Libération et signée par des personnalités du milieu littéraire et politique. Avec la prolongation du confinement, les libraires ont lancé de nouvelles initiatives début avril pour répondre à notre soif de lire. La librairie Labbé, à Blois, a profité de la reprise du service postal pour proposer à ses clients de livrer des ouvrages ou de les expédier par courrier, à partir de 20 euros et en fonction de ce qu’ils ont en stock. À ClermontFerrand, la librairie Les Volcans s’est associée à la bibliothèque universitaire Clermont-Auvergne pour offrir sur une page Facebook des textes issus d’Album de Marie-Hélène Lafon (avec l’accord de l’écrivaine et de sa maison d’édition).
Et puis, la boutique fermée, reste les livres à la maison. Un jour qu’Hélène des Ligneris regardait le ciel bleu par sa fenêtre, une voisine d’en face, qui n’a pas eu le temps de s’approvisionner avant la fermeture, lui confie son manque de lectures. La libraire l’interroge sur ses goûts, puis sélectionne six ouvrages qu’elle dépose devant la porte de sa voisine. Ce souvenir met du baume au coeur, comme d’imaginer la grande fête qu’on organisera quand tout sera fini…