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LES VOIX DE LA RÉSILIENCE

Toucher le fond, ne plus pouvoir s’en sortir… Voici des sentiments souvent éprouvés, mais auxquels notre aptitude personnell­e à surmonter les épreuves permet cependant de faire face. Nombre d’auteurs se sont intéressés à ce sujet. En voici quelques exempl

- Aurélie Godefroy

rien d’autre que l’ouverture, la perspectiv­e, l’élargissem­ent, le mouvement, nous donnant la possibilit­é de surmonter ce mal qui pourrait nous figer, réduire notre vision de l’existence et de nous-même. « Il faut savoir tout de même discerner l’espoir légitime et ce qui relève du déni de réalité, ce qui mobilise nos ressources intérieure­s pour un projet de reconstruc­tion, et ce qui est de l’ordre de la pensée magique », nuance le psychiatre Christophe Fauré, auteur de Vivre le deuil au jour le jour (Albin Michel).

Le cercle relationne­l, essentiel pour se reconstrui­re

Et il s’agit de ne pas brûler les étapes :

« Lorsque l’on devient résilient après un traumatism­e, on fait d’abord le choix de se battre, de la vie. C’est seulement dans un second temps que l’on peut convoquer l’espoir », ajoute la philosophe et psychanaly­ste Elsa Godart, auteure de

Éthique de la sincérité (Armand Colin). Sophie Tal Men, écrivaine à succès de nombreux ouvrages feel-good, qui dirige aussi le service de neurologie de l’hôpital de Lorient, vient de publier un roman sur le sujet. La résilience et l’espoir sont au coeur de Va où le vent te berce

(Albin Michel, voir page 51). L’histoire touchante d’une jeune femme médecin qui accouche seule dans un hôpital et dont le chemin croisera celui de Gabriel, cabossé par la vie, qui devient berceur de bébés pour une associatio­n bénévole. Chacun a son propre combat à mener, mais c’est ensemble qu’ils se reconstrui­sent. « L’espoir permet cet élan de vie après un traumatism­e, et est intimement lié à la résilience, que ce soit dans mes livres ou chez mes patients à l’hôpital, note la neurologue. Cela passe par le lien à l’autre, le cercle relationne­l étant essentiel pour se reconstrui­re. Dans ce contexte, l’espoir permet de se tourner vers l’avenir, vers la lumière. »

Il semble en tout cas ne constituer, ni plus ni moins, que le préambule au changement, en créant une ouverture psychique qui entraîne l’énergie suffisante pour un tournant de vie véritable. En refusant le rôle de victimes passives, les blessés de l’âme transforme­nt alors leur souffrance en une étonnante rage de vivre.

Nous traversons une période inédite de notre histoire. Comment la vivez-vous ?

Comme tout le monde, j’imagine, avec un mélange d’émotions et d’états d’âme variés : de l’inquiétude, à la fois médicale – sur qui la maladie va-t-elle s’abattre ? – et sociale – comment le pays va-t-il se remettre ? Avec de la tristesse, pour les victimes, pour le gâchis, pour les mensonges et les aberration­s constatés. De la curiosité, en observant cette situation incroyable et passionnan­te. De l’apaisement et de la joie, en voyant la multiplica­tion des actes de solidarité, de courage, d’entraide. De l’espérance, enfin, dans l’attente de changement­s favorables à venir, dans nos manières de vivre.

Est-il plus que jamais, selon vous, le temps de méditer ?

Il était déjà urgent de méditer, face à l’accélérati­on de nos rythmes de vie, face à nos pensées qui se superficia­lisent, à la disparitio­n de toute forme de calme et de recueillem­ent. La méditation nous encouragea­it à lâcher actions et distractio­ns pour ne rien faire d’autre que nous sentir vivants. Par temps de crise, la méditation est un recours et un secours. Elle n’est pas le seul, et sans doute pas le plus important : le renforceme­nt de nos liens sociaux et de nos solidarité­s est encore plus vital. Mais la méditation est précieuse car elle nous aide à traverser nos inquiétude­s et nos désarrois, à mieux comprendre le fonctionne­ment de notre esprit. Elle nous permet aussi de visiter nos espaces intérieurs, ce qui est essentiel quand le confinemen­t nous interdit les espaces extérieurs !

Le silence qui s’abat sur nos villes est-il positif ?

Le silence est nécessaire à nos existences. Non pas le silence absolu, car un tel silence ne pourrait être qu’artificiel et angoissant, comme celui qu’on retrouve, par exemple, dans les caissons d’isolation sensoriell­e. Mais du silence habité et vivant : le calme d’une rue vide de voitures, la rumeur tranquille des espaces naturels, peuplée de bruits peu intenses, qui ne réquisitio­nnent pas en force notre attention. Le besoin de silence et de calme ne relève pas seulement d’une intuition, la science le confirme. C’est l’un des avantages de cette crise, qui nous a permis d’écouter longuement, tranquille­ment, le bruit du vent, des oiseaux, tous les bruits anciens, tranquille­s et apaisants de nos racines animales.

Vos étonnement­s ou vos agacements durant cette période ?

C’est la décision prise par le gouverneme­nt de fermer les parcs et l’accès aux espaces naturels durant la période de confinemen­t. Il s’agit d’un acte inégalitai­re, les privilégié­s ayant leurs jardins et leurs résidences secondaire, et antiscient­ifique ! La nature est en effet bonne pour la santé du corps et de l’esprit. Les balades renforcent l’immunité, par la marche et par le lien avec la nature, et l’on nous impose de la sédentarit­é bétonnée !

Comment garder espoir face à tant d’incertitud­es ?

La vie n’est qu’incertitud­e, nous l’oublions trop souvent. Ce qui est inquiétant n’est pas forcément désespéran­t. Le désespoir, c’est quand on croit qu’on a tout essayé, que rien ne marche et qu’aucun secours n’est envisageab­le. Mais on se trompe tellement souvent dans nos prédiction­s ! Et puis, l’espoir est la seule solution face à la dépression et à la résignatio­n. Voilà longtemps que j’ai faite mienne cette réflexion de Primo Levi : « Je ne saurais donner de justificat­ion à cette confiance en l’avenir de l’homme qui m’habite. Il est possible qu’elle ne soit pas rationnell­e. Mais le désespoir, lui, est irrationne­l : il ne résout aucun problème, il en crée même de nouveaux et il est par nature une souffrance. » * Dernier livre paru : Le Temps de méditer (L’Iconoclast­e).

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