3 RAISONS QUI EXPLIQUENT LE SUCCÈS DE…
De Pénélope Bagieu et Roald Dahl
Cette adaptation est le fruit du mariage réussi de deux talents. En 1983, l’un des maîtres de la littérature jeunesse, le Britannique Roald Dahl, publie Sacrées sorcières. On y retrouve son sens du subversif et son humour désopilant. Marquée par cette lecture de son enfance, Pénélope Bagieu s’est lancée dans une version BD du roman. L’auteure avait déjà quelques beaux albums à son actif, comme Cadavre exquis ou California dreamin’.
Cette belle oeuvre graphique est une transposition maligne et rythmée. Les personnages sont vifs et colorés (mention spéciale à la savoureuse grand-mère vamp). Pénélope Bagieu y saupoudre sa touche personnelle avec des sorcières encore plus terrifiantes et des répliques très contemporaines. Mais, surtout, on retrouve le sel de l’auteure : ses convictions féministes. Au final, une jolie modernité qui sublime l’original.
Pénélope Bagieu a bénéficié d’un gros soutien médiatique. Auréolée cet été du prestigieux prix de bande dessinée américain Eisner pour sa série Les Culottées, elle est admirée aussi bien par ses paires que par un large public. Sacrées sorcières a pu profiter d’un engouement très fort des médias : la jeune auteure a présenté son ouvrage sur des plateaux de télévision aux larges audiences (La Grande Librairie, Quotidien, etc.) et a même fait la une des magazines… Une sacrée star !
R.B.
HHHII SACRÉES SORCIÈRES
PAR PÉNÉLOPE BAGIEU ET
ROALD DAHL,
304 P., GALLIMARD BANDE DESSINÉE, 23,90 € (DÈS 9 ANS)
ongtemps, la Terre n’a pas eu d’histoire. L’horizon du savoir se bornait au local, aux environs du village où l’on avait vu le jour. Les phénomènes météorologiques étaient perçus comme le reflet d’une volonté divine, la traversée des océans relevait de l’expédition quand quelques heures suffisent aujourd’hui à relier les différents points du globe. L’infiniment grand côtoie désormais l’infiniment petit dans des manuels de sciences régulièrement mis à jour, témoins du développement exponentiel de la connaissance et d’un « feuilletage des ignorances », à l’heure où notre planète n’a jamais été autant menacée par l’action de l’homme.
LFigurer le monde de nos ancêtres
Pionnier de l’histoire des représentations, des sensibilités et du corps, Alain Corbin nous encourage, dans Terra Incognita, à « faire taire dans notre esprit les images de notre planète que nous portons en nous », à nous figurer le monde tel que nos ancêtres se le représentaient, afin de mieux comprendre leurs us et coutumes, et l’héritage qu’ils nous ont légué. S’il demeure « impossible de connaître les hommes sans discerner ce qu’ils ne savaient pas », il est tout aussi impossible de faire l’inventaire de l’ensemble de leurs ignorances. Que savait l’homme des tremblements de terre au lendemain de la « catastrophe » de Lisbonne en 1755 ? Que savait-il des abysses avant la pause des câbles transatlantiques, sinon quelques monstres marins propres à féconder son imaginaire ? Pourquoi la montagne et ses neiges éternelles sont-elles longtemps restées le « territoire du Diable » ? Et les orages, des « agents de la colère divine » ? Comme le rappelle Alain Corbin, « observer n’est pas comprendre », et la connaissance de l’environnement devait s’accompagner d’une vulgarisation des savoirs, qui ne se développera pas avant la première moitié du xix siècle, grâce à la scolarisation, à la presse, à l’ouverture de bibliothèques et à l’essor des conférences et des expositions.
Ainsi, l’histoire de l’ignorance ne peut faire l’économie d’une histoire de la lecture et de l’accès au livre – des livres qui témoignent en retour de l’avancée de
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