L’homme en devenir
Quelle est la source du transhumanisme et à quel courant de pensée se rattache-t-il ? Autant de questions auxquelles l’historien des sciences tente de répondre.
HHHII
AUX RACINES DU TRANSHUMANISME.
FRANCE 1930-1980
PAR ALEXANDRE MOATTI, 272 P., ODILE JACOB, 23,90 €
e transhumanisme a comme objectif d’utiliser les découvertes scientifiques et techniques pour améliorer les performances humaines. L’homme du futur ne nous ressemblera pas. Alexandre Moatti, spécialiste de l’histoire des sciences à l’université Paris-Diderot, montre, dans le très documenté Aux racines du transhumanisme, que ce mouvement puise ses racines chez des penseurs qui ont marqué la société française entre les deux guerres mondiales. Des auteurs qu’on ne lit
LAlexandre Moatti plus aujourd’hui, mais qui ont marqué leur temps. Le premier à utiliser, en France, le mot de « transhumanisme » n’est pas l’Anglais Julian Huxley, comme on le lit partout, mais bien le polytechnicien Jean Coutrot. Au moment où l’on découvre la génétique, il prévoit que la race humaine va changer. À sa suite, un Nobel de médecine, Alexis Carrel, en fera son fonds de commerce. Son livre L’Homme, cet inconnu fait un tabac. Carrel, tel un prophète, y prédit qu’une biocratie, faite d’hommes améliorés, prendra le pouvoir. Tandis que les faibles seront condamnés, les forts, descendants des croisés ou des aristocrates transformés, seront aux commandes. Pour leur ressembler, les jeunes iront à l’école dans des pays froids et rudes… On a du mal à penser que ce fatras ait passionné les foules pendant des dizaines d’années ! Autre oublié auquel Moatti consacre un chapitre : Pierre Teilhard de Chardin. Ce religieux flirte avec les transhumanistes, mais pour démontrer la justesse de la religion par la science. Au contraire, Julian Huxley, frère d’Aldous, l’auteur très connu du Meilleur des Mondes, et premier directeur de l’Unesco, veut une religion sans révélation. Après lui, Jean Rostand imagine qu’on manipulera les chromosomes des hommes, comme on le fait pour les plantes. À la manière de beaucoup de transhumanistes, il vante l’eugénisme pour supprimer les inadaptés. D’ailleurs, bien des suiveurs seront proches du régime de Vichy. Aujourd’hui, une nouvelle vague a repris le flambeau. Les uns réclament des robots humanoïdes, notamment pour conquérir l’espace. Les autres rêvent d’une communication directe entre hommes et ordinateurs. Mieux : si l’on transvasait le contenu spirituel du cerveau dans un ordinateur, l’homme serait immortel.