LE GRAND ENTRETIEN

Sylvain Tesson

Sylvain Tesson par Claire Chazal

LE LIVRE. Il a interrompu une course en montagne, de refuge en refuge, dans les Alpes italiennes, pour attendre la fin de l’épidémie avec ses proches. Sylvain Tesson*, l’écrivain voyageur, compte bien repartir après le confinement. Géographe de formation, il ne veut pas (pour le moment du moins) faire oeuvre d’imagination, mais cherche à raconter la beauté de la nature, l’homme face aux éléments. L’auteur est souvent parti dans des conditions extrêmes, sur les pics de l’Himalaya ou au bord du lac Baïkal par moins 20 degrés. Il en est revenu avec de beaux livres personnels, inspirés et poétiques : Dans les forêts de Sibérie, par exemple, lui a valu le prix Médicis essai en 2011 et le réalisateur Safy Nebbou en a tiré un film magnifique. Sylvain Tesson a aussi chuté du haut d’un toit en 2014, juste après la mort de sa mère, et a été contraint de s’immobiliser, de rééduquer son corps et de ralentir. Après l’accident, il a mieux compris que les autres – les médecins, sa famille – pouvaient l’aider. Il sait aujourd’hui ce qu’il leur doit et avoue d’ailleurs conserver auprès d’eux une dette éternelle. Il a ensuite adopté une forme de lenteur, s’obligeant à la marche résiliente (Sur les chemins noirs) ou au guet de l’animal sauvage. Parti sur les hauts plateaux du Tibet avec le photographe Vincent Munier, l’écrivain a attendu patiemment que surgissent les espèces rares. Pour écrire, au retour, l’un de ses livres les plus attachants – justement salué par le prix Renaudot l’an passé : La Panthère des neiges. Apprenant l’art de l’affût, il a vu apparaître l’animal souverain, incarnation pour lui des femmes qui l’ont à jamais quitté. Des centaines de milliers de lecteurs ont aimé, avec le romancier, découvrir la nature et les bêtes insaisissables. Aujourd’hui, le succès le rend certes heureux mais toujours tendu vers quelque chose. Tel le « Wanderer » de Goethe, il reste un marcheur sans attache. Touchant par son exigence et son refus de la modernité qui raccourcit la pensée, Sylvain Tesson n’a d’autres ambitions que de faire de la littérature.

Tel le « Wanderer » de Goethe, il reste un marcheur sans attache

LA PANTHÈRE DES NEIGES PAR SYLVAIN TESSON, 176 P., GALLIMARD, 18 €

*Jusqu’au 13 juin, Sylvain Tesson, à bord de son voilier, nous fait (re)découvrir l’Odyssée d’Homère à travers une série documentaire exceptionnelle : Dans le sillage d’Ulysse, disponible sur arte.tv/fr/.