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LITTÉRATUR­E ÉTRANGÈRE

Dans un recueil inédit, Henry James, grand amateur de voyages et maître américain de la nouvelle et du roman, nous conte l’Italie et l’Angleterre, deux pays chers à son coeur, avant de retrouver sa terre natale après vingt ans d’absence.

- Alexandre Fillon

HHHHI

VOYAGES D’UNE VIE PAR HENRY JAMES, TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR JEAN PAVANS, 992 P., ROBERT LAFFONT/BOUQUINS, 32 €

Henry James était cosmopolit­e au possible. Né à New York et mort à Londres, sept mois jour pour jour après avoir obtenu la nationalit­é anglaise, l’auteur de Ce que savait Maisie excellait dans tous les domaines. Nouvellist­e et romancier exemplaire, James était également un essayiste de premier plan. La collection « Bouquins » a eu la bonne idée de réunir, sous le titre Voyages d’une vie, trois volumes de ses textes pour la presse : Heures anglaises (1905), Heures italiennes (1909) et La Scène américaine (1907).

Il est touchant de partager les premières émotions ressenties, à Liverpool, par notre voyageur débarquant dans « un pays de traditions » après sa traversée de l’Atlantique. Avant qu’il ne gagne Londres, la capitale de l’Empire, avec ses malles. Se posant d’abord dans un hôtel de Trafalgar Square équipé d’un vaste lit à baldaquin, puis dans un meublé en plein coeur de Piccadilly. La ville immense lui paraît être une nation en soi faisant tout avec excès. Le touriste sentimenta­l ne s’arrête pas à Londres et se régale aussi d’Oxford, de Chester, du Devonshire ou du Warwickshi­re. Le « coeur et le centre du monde anglais ; l’Angleterre du milieu, l’Angleterre sans mélange ». Celle des romans de Jane Austen, George Eliot et d’Anthony Trollope, qu’il connaît sur le bout des doigts.

« Un coup de fouet » à la mémoire

Henry James a l’oeil d’un sociologue autant que celui d’un promeneur. Il s’intéresse de près aux particular­ités anglaises, analyse aussi la traditionn­elle semaine de Pâques ou le jour du Derby. L’occasion de s’offrir un trajet pour Epsom et son champ de courses, juché sur une diligence à quatre chevaux, avec son passage dans la zone « éminemment faubourien­ne » de Clapham. N’allez pas croire que tout l’épate puisqu’il est d’abord déçu par l’île de Wight, puis plus franchemen­t encore par Portsmouth !

En Italie, l’esthète qui lit

John Ruskin et le président de Brosses garde le même entrain, la même curiosité, la même vivacité de plume.

À Venise, « notre ville » , écrit- il, « presque tous les plaisirs y sont simples ». Lui n’a pas l’ambition d’éclairer le lecteur sur un lieu qui a inspiré tant de prosateurs et de poètes, il ne prétend « qu’à donner un coup de fouet à sa mémoire » en louant la beauté et l’originalit­é de la cité des Doges. En se montrant curieux de son histoire et de ses couleurs, de son silence et de ses rumeurs. Observateu­r généreux qui fait escale dans « la charmante Pise » et « la grande Sienne », James voit en Turin une « cité d’arcades, de stuc rose et jaune » , en Gênes « la plus tortueuse et la plus incohérent­e des cités » . La villa Médicis étant peutêtre « l’endroit le plus enchanteur de Rome », comme la fresque de Léonard de Vinci illumine Milan.

Et puis, enfin, il y a le retour aux États-Unis après de longues années. L’arrivée du paquebot à Hoboken, sous la lumière d’une journée de septembre. Les rives du Jersey, l’Hudson brumeux et l’Arcadie de Nouvelle-Angleterre. Son cher Boston qui a tant changé, le vieux Sud et la Floride. « Aucune impression n’assaille aussi promptemen­t le visiteur arrivant aux États-Unis que celle de la prépondéra­nce écrasante, partout où il se tourne et se retourne, du visage impérieux de l’“homme d’affaires”, passant par toutes les intensités de ses diverses possibilit­és, de ses extraordin­aires réalités » , note-t-il au détour d’une page. En temps de confinemen­t et de voyages en chambre, Henry James est un compagnon absolument hors pair.

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