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BRUNO DEWAELE

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On en parle

l n’y a pas que l’orthograph­e pour nous compliquer la vie avec ses règles. Celles de la prononciat­ion ne sont pas davantage respectées, au risque de confusions loin d’être toujours anodines. Témoin cette phrase entendue au 20 heures de France 2, il y a quelque dix ans : « Tandis que Nicolas Sarkozy joue l’apaisement, son ministre de l’Immigratio­n est tué à la tribune. » D’aucuns se seront d’abord demandé, ce soir-là, comment une informatio­n de cette nature pouvait être débitée sur un ton aussi neutre. Avant de comprendre que le ministre de l’Immigratio­n en question (un certain Éric Besson, vous vous souvenez certaineme­nt) avait seulement été... hué, ce qui, à l’Assemblée, relève déjà moins du sensationn­el. Mais c’est égal : il avait suffi d’une journalist­e peu inspirée et d’un « h » pas plus aspiré pour qu’un ministre fût tout près d’expirer ! Profitons- en pour rappeler au passage que si, en français, les « h » qui ne sont pas muets n’ont d’aspiré que le nom, ils n’en interdisen­t pas moins liaison et élision. Partant, on ne devrait jamais entendre parler des « z’handicapés », pas plus que de la lutte contre « l’handicap ». Nos oreilles, et parfois même nos bouches, en sont pourtant pleines. À l’inverse, et à force d’entendre évoquer « le auvent » que nos caravanier­s montent dès leur arrivée au camp et « la anse » du sac que, dans la foulée, ils vont remplir à la supérette du coin, on se demanderai­t si ces derniers ne les gratifient pas d’un « h » aussi intempesti­f qu’incongru ! S’entendre réclamer quatre-vingts ou trois cents « heuros », sans liaison aucune, est également, si nous osons dire, monnaie courante. Mais il y a gros à parier, dans ce cas, que la responsabi­lité soit plus à chercher du côté de l’orthograph­e du numéral que de celle du nom qui suit ! Autant vous rassurer sans tarder : il est rare que

Ide telles méprises donnent lieu à un contresens aussi dommageabl­e que celui qui inaugure cette chronique. La plupart du temps, les plus sensibles d’entre nous en sont quittes pour un grincement de dents, ce qui, heureuseme­nt, n’a jamais tué personne.

Il n’empêche que notre langue, là comme ailleurs, n’aura pas hésité à multiplier sous nos pas les chaussetra­pes. L’esprit de famille, par exemple, est une valeur qui, de toute évidence, ne la guide pas prioritair­ement. Sinon, elle n’aurait jamais décrété que le héros serait le seul de la sienne ( héroïne, héroïsme et héroïque permettant liaison et élision) à demeurer aspiré. Influence de l’homonyme héraut ou crainte qu’au pluriel prononcer « les z’héros » ne fasse perdre aux intéressés beaucoup de leur superbe, allez savoir ! Elle n’aurait pas non plus souffert que « l’huis », la porte d’hier (et non « de hier ») devînt à l’occasion « le huis clos ». De même, la règle qui nous oblige à écrire qu’une personne de notre entourage est « tout heureuse et toute honteuse à la fois » (l’adverbe s’accordant ici et restant invariable là) doit nous valoir l’admiration – et l’incompréhe­nsion – de plus d’un étranger qui ambitionne de l’apprendre ! Pour le reste, il nous faudra sans doute, vaille que vaille, attendre des chiens qu’ils « z’hurlent » de plus en plus à nos oreilles, nous accommoder de ces tentatives « d’harcèlemen­t » qui polluent l’entreprise comme de ces « z’homards » qui ont tué pour de bon, eux, François de Rugy. Avaler comme une couleuvre, même, « l’hernie » hiatale responsabl­e de nos dyspepsies. Quant à Halloween, on ne sait plus très bien, puisque « l’halloween » de Robert répond à « la Halloween » de Larousse. Le mieux serait encore de revenir à la Saint-Martin d’antan, qui, en dépit des deux majuscules et du trait d’union, nous posait moins de problèmes !

Il avait suffi d’une journalist­e peu inspirée pour qu’un ministre fût tout près d’expirer

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