LE DOSSIER
Arthur Rimbaud, au-delà du mythe
Ce fut un météore qui illumina le ciel de la littérature française. Un adolescent ardennais aux grandes mains, aux gestes gauches et au regard bleu intense, qui, dès ses 15 ans, écrivit des poèmes dignes du meilleur de Baudelaire comme si, pour lui, la poésie était une seconde langue maternelle ! À l’âge où d’autres peinent à quitter l’enfance, Rimbaud fixa pour l’éternité des images de la guerre sans l’avoir vue (Le Dormeur du val) – avant de monter à bord du Bateau ivre sans jamais avoir contemplé la mer. Puis il disloqua le vers classique dans ses derniers poèmes rimés tout en inventant la forme moderne, postbaudelairienne, du poème en prose. Il ne lui aura fallu que six ans pour repeindre la poésie française aux couleurs de ses Voyelles, avant de se taire à jamais. Nous reste cette oeuvre parfois énigmatique, où confluent maîtrise adulte, pulsions adolescentes, et une pensée qui semble n’avoir pas d’âge. Ainsi que le souvenir de sa sidérante précocité, puis de son silence de seize ans qui ont largement contribué à sa mythologie. Aujourd’hui, Rimbaud est une sorte d’icône, censée incarner l’adolescence rebelle comme Che Guevara, la révolte politique. D’ailleurs, Roselyne Bachelot voudrait l’envoyer au Panthéon en compagnie de Verlaine. Cela aurait sans doute bien fait ricaner l’employé sardonique et néanmoins apprécié qu’il était devenu dans sa deuxième vie africaine. Sous le cliché, tant de mystères, tant de scandales, tant de contradictions ! Entre son oeuvre qui, n’en déplaise à ses détracteurs de jadis, « ne veut pas rien dire » mais se révèle au contraire insondable sitôt qu’on la regarde de près, et sa vie bigarrée qui le fit, entre autres, professeur de français à Londres, soldat de l’armée néerlandaise et négociant à Aden, Rimbaud demeure un sujet inépuisable. C’est ce qui le rend si passionnant. Alexis Brocas
Affublée de tous les noms par son fugueur de fils – « daromphe », « bouche d’ombre »,
« aussi inflexible que soixante-treize administrations à casquettes de plomb » –, Vitalie Rimbaud (1825-1907), femme autoritaire, paysanne sèche et catholique rigoureuse, fut jusqu’au bout le point d’ancrage du poète. Elle restera, avec sa fille Isabelle, l’ultime confidente de l’exil africain de Rimbaud.