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Un chic type ?

Le diariste Paul Léautaud est connu pour ses envolées fielleuses et son amour des chats, beaucoup moins pour sa philanthro­pie. Le cru 1937 de son Journal particulie­r changera-t-il la donne ?

- Bernard Quiriny

Son look de vieillard loqueteux, entré dans la légende, donne de Léautaud une image adoucie, presque débonnaire. Ce mauvais esprit était pourtant un homme à scandales, jamais loin de provoquer des polémiques. Ses coups de griffes au Mercure de France ou dans les pages les plus féroces du Journal lui ont valu bien des inimitiés. En politique, ses opinions antidémocr­atiques et élitistes ont fait jaser, tout comme ses inclinatio­ns pro-allemandes pendant la guerre et ses phrases douteuses sur les Juifs. Son franc-parler et ses positions libérales sur les questions de moeurs provoquero­nt une tempête à l’ORTF, où il passe en 1950 ; l’indignatio­n est telle qu’un député montera au front à la Chambre pour se plaindre !

Côté privé, Léautaud a minutieuse­ment documenté ses relations avec ses maîtresses Anne Cayssac et Marie Dormoy. Retirées du Journal littéraire à cause de leur obscénité, ces pages indiscrète­s seront publiées à part sous le titre Journal particulie­r. Le cinquième tome paraît aujourd’hui, sur l’année 1937. Âgé de 65 ans, Léautaud a du mal à bander mais son appétit reste intact. Marie Dormoy, hélas, est trop froide à son goût. Dépité, il se répand sur les femmes : « Le plus sûr moyen d’être aimé d’une femme, c’est de la payer », « Quelle camelote que les femmes », etc. Ces généralité­s ne l’empêchent pas d’être content quand la « séance » a été bonne, ni de faire preuve de romantisme. « Comme on se moquera de moi ! Amoureux à mon âge, si jamais ce journal est lu ! » Preuve qu’il n’excluait pas la publicatio­n. Voilà qui apaisera les scrupules du lecteur-voyeur, à la fois ravi de découvrir ces pages inédites, et un peu gêné devant un tel déballage d’aspersions et de moiteurs.

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