De l’enquête littéraire à la fiction télévisée
La difficulté était de taille : adapter en « fiction » le livre d’Ivan Jablonka, Laëtitia, enquête sur la mort d’une jeune fille, à Pornic, en 2011. Lauréat du prix Médicis 2016, l’historien Jablonka maîtrise son idée-force : mêler le travail de la police, le témoignage des « acteurs » de l’affaire, la reconstitution de la vie de la victime et des données sociologiques sur les violences faites aux femmes ; le récit est donc complexe, plus documentaire que romanesque et son adaptation en série de six épisodes s’avérait compliquée.
Jean-Xavier de Lestrade était sûrement l’homme de la situation puisque le parti pris de la série était la remise à plat de l’affaire pour en faire une oeuvre romanesque décrivant la vie de Laëtitia avant le drame et l’enquête qui s’ensuivit.
Or Jean-Xavier de Lestrade est un documentariste hors pair, oscarisé pour Un coupable idéal, qui fait aussi bien en fiction, voir notamment Manon 20 ans ou le remarquable Jeux d’influence. Cette fois, aidé par son coscénariste Antoine Lacomblez, il s’est concentré sur les conséquences du drame, sur le policier enquêteur, la psy qui a suivi Laëtitia et sa soeur, le père biologique, le procureur… Et les épisodes de balancer constamment entre les péripéties qui ont mené au drame et cet aspect plus psychologique, que Jablonka ne traite d’ailleurs pas.
Et si cette série est à ce point réussie, c’est parce que les comédiens sont tous impressionnants de justesse grâce à un jeu très physique et très expressif. À commencer par Yannick Choirat (le flic), Alix Poisson (la psy), Kévin Azaïs (le père) et, bien sûr, les deux soeurs Sophie Breyer (Jessica) et Marie Colomb (Laëtitia). Il ne faut évidemment pas s’arrêter à la noirceur de ce fait divers mais apprécier à sa juste valeur le travail artistique, qui joue l’émotion et l’intelligence.
En replay sur France.tv et à partir du 21 septembre sur France 2.