Cathrine et les émois du moi
Il a fallu à Arnaud Cathrine, révélé avec Les Yeux secs en 1998, de nombreuses années de travail romanesque avant d’oser s’essayer pour de bon à l’écriture théâtrale. Il publie aujourd’hui la pièce Succession, qui traite du déterminisme social et familial : l’accepter et le subir sans mot dire, ou le rompre, avec ce que cela nécessite de cran et de dégâts collatéraux. En scène, « une jeune personne » (c’est le nom donné à ce personnage qui, outre son rôle, a en charge les parties non dialoguées de l’histoire) et sa grand-mère, Suzanne. Ces deux-là s’aiment, c’est sûr. Mais l’une est au commencement de sa vie et l’autre, à la fin, qui soupire, ce jour-là, d’avoir vécu « toute sa vie en laisse » – par amour ou par lâcheté, on ne saura – et qui ne sait comment dire à sa petitefille qu’elle ne doit pas suivre son exemple. Cela ne pouvait mieux tomber, puisque celle-ci, désormais jeune adulte, a pris les devants et s’apprête à dire ce même jour à ses parents qu’elle quitte le boulot que son père lui a laissé en héritage, et qu’elle veut « être moi ».
Il y a quelque chose de déchirant dans cette Succession, sous le parrainage de Duras et Sagan, qui alterne monologues et dialogues au scalpel, conversations du quotidien et envolées métaphysiques. La pièce avance ainsi par à-coups, parce qu’on comprend que devenir « enfin soi » relève de l’acte chirurgical. Et pas moyen de faire autrement !
SUCCESSION, MISE EN SCÈNE PAR NOÉMIE ROSENBLATT ETMARIELAURE CARADEC, LE 2 OCTOBRE À LA MAISON DU THÉÂTRE ET DE LA DANSE D’ÉPINAY-SURSEINE, PUIS EN TOURNÉE. ★★★☆☆ SUCCESSION SUIVI DE SÉRÉNADES, ARNAUD CATHRINE, 72 P., ACTES SUD-PAPIERS, 12 €