Raphaël Enthoven
P P age 234 de son livre, on apprend que Raphaël Enthoven a feuilleté à l’adolescence les Maximes de La Rochefoucauld. Cette excellente lecture n’a hélas pas suffi à ce qu’il grandisse en sagesse. Désormais âgé de 44 ans, il navigue dans Le Temps gagné entre crise d’adolescence et retour à la cour de récréation. En gros, il déroule ici ses années d’enfance et de jeunesse – père narcissique, beau-père violent, don pour les études, mariage avec la fille de Bernard-Henri Lévy, divorce, rencontre avec Carla Bruni. Il y a bien des passages émouvants sur sa grand-mère et deux ou trois pages qui ne manquent pas de panache, quand il égratigne la gauche caviar dont il vient. Cela suffit-il à en faire un événement littéraire ? La presse a dégainé début août, et les lecteurs ont montré une certaine curiosité (on compte près de 20 000 exemplaires écoulés au 10 septembre). En tout cas, rayon scoops, pas grand-chose à se mettre sous la dent : il paraît que Jean-Paul Enthoven aime travailler nu et que, lors de ses noces avec Justine Lévy, Raphaël avait reçu une cloche à fromage de la part de Nicolas Sarkozy. C’est captivant.
S’il se plaint souvent de la folie de son père, le fils n’est pas mal non plus, nous gratifiant d’une apologie de sa prétendue beauté et de vibrants éloges de sa goujaterie de « Don Juan kantien ». Un tel nombrilisme s’avère désarmant de puérilité, et les blagues scatologiques, qui n’aident pas l’ensemble, ont même des airs de caca nerveux. Ceux qui prenaient l’auteur pour un éditorialiste propret seront surpris de découvrir un individu capable de craquer à tout moment. « Raphaël Enthoven enseigne la philosophie », est-il écrit sur la quatrième de couverture. On se demande au final qui serait assez téméraire pour s’inscrire à son cours. Bref, un peu de philo, beaucoup de folie…
☆☆☆☆☆
LE TEMPS GAGNÉ, RAPHAËL ENTHOVEN,
528 P., L’OBSERVATOIRE, 21 €