LA LÉGENDE DE SA CONVERSION
« l prie. Oui, il prie, lui ! » C’est par I I ces mots, et par d’autres du même tonneau, qu’Isabelle Rimbaud, qui veillait au chevet de son frère mourant, annonce la supposée conversion au catholicisme du poète, dans une lettre de Marseille datée du 28 octobre 1891, donnant aux commentateurs du pain pour cent ans de débats ! Car, bien vite, les amis de Rimbaud mirent en doute cette conversion qui lui ressemblait peu : depuis le collège, Rimbaud se déclarait athée (et ceux qui furent ses patrons en Afrique confirmèrent : il n’allait jamais à la messe). Sa soeur fut donc soupçonnée d’avoir écrit ou retouché sa lettre a posteriori, peut-être avec l’aide de Paul Claudel, afin d’accréditer la légende d’un Rimbaud mort en chrétien. Après tout, celle qui, avec son ineffable mari, avait bien truqué toute la correspondance africaine d’Arthur pour le faire paraître plus riche et épris d’imparfait du subjonctif (dont il n’avait que faire quand il s’agissait de recenser des fusils ou des défenses d’éléphant) n’était plus à une forgerie près. La conversion de Rimbaud serait donc un mensonge de plus ? Pas si simple : la lettre, en plus de témoigner du « miracle », contient des propos peu amènes à l’égard de leur mère qui plaident pour son authenticité. Alors, Rimbaud, converti ou pas ? L’hypothèse soulevée par Jean-Jacques Lefrère est qu’il aurait peut-être accepté de se confesser pour faire plaisir à sa soeur, qui le veillait avec une belle patience. Et, de la confession à la conversion, il n’y a qu’un pas, que la dévote Isabelle, l’esprit bouleversé par les souffrances de son frère, aurait sauté peut-être même sans s’en apercevoir.