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JULIA CAGÉ

LA DÉMOCRATIE PARITAIRE SELON

- Eugénie Bourlet

Économiste spécialist­e des médias, Julia Cagé s’est déjà signalée par son engagement sur plusieurs fronts, relayé dans deux essais remarqués : l’indépendan­ce des médias, avec Sauver les médias (2015), et le financemen­t des partis politiques, dans Le Prix de la démocratie (2018). Pour ce dernier, elle a reçu un Prix éthique décerné par Anticor « pour avoir avancé des propositio­ns ambitieuse­s sur le financemen­t de la vie politique et l’élection des parlementa­ires ». Des suggestion­s « ambitieuse­s », et néanmoins concrètes, applicable­s dès à présent pour entériner des changement­s de fond politiques, sociaux, économique­s et, surtout, éthiques. Dans Libres et égaux en voix, Julia Cagé synthétise ces propositio­ns, les complète et les étend à l’échelle d’un système. Le titre résume le combat pour l’égalité qu’elle mène et qu’elle martèle inlassable­ment en une formule : « Une personne, une voix. »

GARANTIE DU PLURALISME

Ce combat, l’économiste le définit à l’aune des débats de l’arène sociale et politique, soucieuse de l’égalité femmes-hommes et de la visibilité nécessaire des milieux populaires, qu’elle réunit dans la défense d’une « parité sociale et de genre » à l’Assemblée. La préoccupat­ion essentiell­e de Julia Cagé repose sur la garantie (ou plutôt, les conditions nécessaire­s à l’existence réelle) du pluralisme et de la diversité au sein de la sphère politique. Pour cette raison, elle explique son refus d’un affronteme­nt idéologiqu­e binaire et réducteur, qui nie le discours opposé. En premier lieu, elle réprouve les termes simplistes du débat dans lequel s’affrontent progressis­tes et populistes, discernant dans les premiers une prétention à « détenir la vérité », celle de la raison et de l’expertise, et à accuser le peuple de « passions tristes », d’un ressentime­nt qui occasionne­rait méfiance et défiance envers la démocratie.

CE QUI NOUS EST COMMUN

Des populistes (de gauche), elle partage le constat, celui d’une crise de confiance profonde entre le peuple et ses représenta­nts, incapables de répondre à leur demande d’être, précisémen­t, représenté­s. C’est davantage avec cette pensée qu’elle dialogue, mais elle s’en distingue par ses propres solutions. Son désir de parvenir à faire tenir ensemble les points de vue l’éloigne de celles et ceux qui condamnent le pouvoir décisionna­ire, comme si celui-ci ne pouvait que bâillonner, et non défendre, l’intérêt des minorités silencieus­es. Pour la représenta­tivité des citoyens, elle préfère les élections au tirage au sort et s’en explique.

Et c’est sur le champ du financemen­t (celui des partis politiques et des campagnes électorale­s, mais aussi des associatio­ns et des médias) que son discours est le plus porteur, le plus décisif, le plus convaincan­t. Avec l’observatio­n fine d’initiative­s menées récemment en France et à l’étranger, Julia Cagé enrichit ses propositio­ns déjà connues des « bons » qui seraient régulièrem­ent alloués sous forme d’argent public aux citoyens, afin que ceux-ci décident des institutio­ns politiques et des médias auxquels ils souhaitent donner leur confiance. « Si l’on considère que non seulement la liberté consiste à participer aux affaires publiques, mais que le bonheur de chacun relève en partie de son bonheur public, c’est-à-dire de l’expérience de cette liberté publique, alors ne faudrait-il pas faire en sorte que nous puissions toutes et tous l’exercer ? » C’est l’objectif poursuivi par Julia Cagé : permettre à chacune et chacun une participat­ion, active et indispensa­ble, au fonctionne­ment de ce qui nous est commun.

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