QUE VAUT… LE NOUVEAU LIVRE DE LAURENT GAUDÉ ?
Du tremblement de terre à Haïti jusqu’à, plus récemment, une Afrique imaginaire, en passant par les Pouilles du Soleil des Scorta, Laurent Gaudé ne s’était jusqu’alors raconté qu’en filigrane. Ainsi écrit-il dans Paris, milles vies : « J’ai passé ma vie à chercher qui je suis, à convoquer mille personnages lointains pour me montrer à travers eux. » S’essayant donc à l’autofiction, il déambule une nuit durant dans sa ville natale, où il convoque d’illustres fantômes au fil de ses pensées.
Tout commence sur le parvis de la gare Montparnasse, où, arrivé d’on ne sait quelle provenance, le narrateur est traversé par une ombre. Rappelant le Virgile de La Divine Comédie, celle-ci le guide au cimetière où est enterré son père. Devant sa stèle, la tension narrative montant, il revoit sa chute mortelle dans les moindres détails. La temporalité s’étire alors, les rues se vident pour se repeupler de ces ombres en souffrance. Se trouverait-il aux Portes de l’Enfer, pour reprendre le titre d’un roman de Laurent Gaudé ? C’est plutôt pour lui un « réconfort », car ici « tout renaît par le pouvoir des mots », là est le fil rouge de ce texte court, puissant et, nous l’aurons compris, cruel. Des héros anonymes y meurent à la Libération, Victor Hugo enterre son fils, Rimbaud quitte Paris… Comment consoler ces ombres ? En leur offrant l’éternité de papier, martèle l’écrivain comme pour s’en convaincre. On reconnaît bien sa réflexion sur la transmission, son souffle épique. Mais cette parenthèse intime fermée, reprendra-t-il le train pour ces contrées propices à l’épanouissement de son imaginaire ? Espérons-le.