L’empereur et l’opiomane
Gwenaële Robert et Jean Teulé consacrent leurs nouveaux romans à Napoléon et à Baudelaire. Entre attentat raté pour le premier et défonce tous azimuts pour le second, ces deux vies ne furent pas de tout repos.
Ils n’auront pas été contemporains longtemps : Baudelaire est né le 9 avril 1821 ; trois semaines plus tard, Napoléon cassait sa pipe. Le poète parisien et le militaire corse ont peu de points communs, à part une mort dans la déchéance. Mais cette rentrée les réunit, puisqu’ils font partie des rares figures historiques ayant inspiré des romanciers. Napoléon est moins le personnage principal que l’amorce de l’intrigue : dans Never Mind, Gwenaële Robert raconte brillamment l’attentat de la rue Saint-Nicaise dont il fut la cible, le 24 décembre 1800, alors qu’il se rendait sans enthousiasme à l’Opéra. Hélas pour lui, la charrette piégée n’avait pas explosé au bon moment et il n’avait pas échappé à cette ennuyeuse soirée. Blague à part, un homme étonnant était derrière le coup : le chouan Joseph de Limoëlan, qui est le véritable héros de Never Mind. Comment monta-t-il ce qui devait être son chef-d’oeuvre ? Comment fuit-il la police de Fouché ? Comment s’exila-t-il, enfin, et que devint-il ? Un destin méconnu qui mérite d’être redécouvert.
ÉPAVE FOLKLORIQUE
Pas besoin de conspirateurs pour se débarrasser de Baudelaire : il se tuait très bien tout seul, à grand renfort de hachisch, laudanum, opium, éther. On sait comment il termina, hémiplégique et syphilitique au dernier degré, ne répétant plus que « crénom ! » en boucle. Dans Crénom, Baudelaire !, son nouveau roman, Jean Teulé retrace les quarante-six années tourmentées que passa le dandy sous ce ciel bas et lourd qui lui pesait comme un couvercle. De ses relations épouvantables avec son beau-père Aupick à sa liaison orageuse avec Jeanne Duval, sans oublier sa collaboration chaotique avec son éditeur Poulet-Malassis, le drogué n’était pas très doué pour les relations humaines. On peut regretter que Teulé force le trait sur le côté épave folklorique de son modèle et soit moins disert sur sa pensée – rien sur les convictions antimodernes de cet homme qui tenait Joseph de Maistre pour son maître. Mais l’époque est bien rendue, et l’on suit avec plaisir Baudelaire dans ses différents gourbis, et dans le salon d’Apollonie Sabatier. À lire avant d’avoir une attaque cérébrale. Crénom !