Les vices de Tokyo
Hisaki Matsuura nous conduit dans un cauchemar étrange et sensuel à la Burroughs.
Otsuki, le narrateur de cet objet littéraire pulsant de la première à la dernière page, d’une inquiétante étrangeté, ressemble à un antihéros lynchien : hanté par des forces obscures, cet ex-junkie en mal d’amour est livré pieds et poings liés aux remous d’un inframonde hallucinatoire – une terrifiante aventure dont on ne saurait affirmer qu’il n’en jouit pas quelque peu. Chroniquement paumé, habité par une « sourde angoisse », ce trentenaire désoeuvré entretient avec une femme mariée une liaison délétère, et se demande combien de temps encore il va se « vautrer sans fin dans cette fange tiède ». Un ami « en petite tenue crasseuse » l’introduit auprès d’un lugubre vieil homme aux cheveux blancs qui, après lui avoir expliqué qu’une infinité de « présents » cohabitent, lui inflige un film mi-porno, mi-documentaire entomologique. « Acceptez-vous de m’aider ? » Tétanisé, Otsuki ne sait pas dire non. On lui présente
Tomoé, la nymphette du film, qui évidemment le fascine. Cinquante pages à peine, et voici le lecteur lâché dans un cauchemar labyrinthique à la Burroughs. L’été tokyoïte se déchaîne, les perspectives se brouillent, le sexe s’apparente à une lente dévoration, « il y a plein d’araignées d’eau qui glissent ».
Atteint de gynéphobie avancée, Otsuki entame sa descente aux enfers. « Jeune garçon déjà, je détestais secrètement le mécanisme de ce monde. » Il existe des romans d’apprentissage et d’autres, plus rares, de savante et impitoyable déconstruction. Le Calligraphe est de ceux-là.