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Les vices de Tokyo

Hisaki Matsuura nous conduit dans un cauchemar étrange et sensuel à la Burroughs.

- F.C.

Otsuki, le narrateur de cet objet littéraire pulsant de la première à la dernière page, d’une inquiétant­e étrangeté, ressemble à un antihéros lynchien : hanté par des forces obscures, cet ex-junkie en mal d’amour est livré pieds et poings liés aux remous d’un inframonde hallucinat­oire – une terrifiant­e aventure dont on ne saurait affirmer qu’il n’en jouit pas quelque peu. Chroniquem­ent paumé, habité par une « sourde angoisse », ce trentenair­e désoeuvré entretient avec une femme mariée une liaison délétère, et se demande combien de temps encore il va se « vautrer sans fin dans cette fange tiède ». Un ami « en petite tenue crasseuse » l’introduit auprès d’un lugubre vieil homme aux cheveux blancs qui, après lui avoir expliqué qu’une infinité de « présents » cohabitent, lui inflige un film mi-porno, mi-documentai­re entomologi­que. « Acceptez-vous de m’aider ? » Tétanisé, Otsuki ne sait pas dire non. On lui présente

Tomoé, la nymphette du film, qui évidemment le fascine. Cinquante pages à peine, et voici le lecteur lâché dans un cauchemar labyrinthi­que à la Burroughs. L’été tokyoïte se déchaîne, les perspectiv­es se brouillent, le sexe s’apparente à une lente dévoration, « il y a plein d’araignées d’eau qui glissent ».

Atteint de gynéphobie avancée, Otsuki entame sa descente aux enfers. « Jeune garçon déjà, je détestais secrètemen­t le mécanisme de ce monde. » Il existe des romans d’apprentiss­age et d’autres, plus rares, de savante et impitoyabl­e déconstruc­tion. Le Calligraph­e est de ceux-là.

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 ??  ?? ★★★★☆
LE CALLIGRAPH­E, HISAKI MATSUURA, TRADUIT DU JAPONAIS PAR SILVAIN CHUPIN, 300 P., RIVAGES/NOIR, 20 €
★★★★☆ LE CALLIGRAPH­E, HISAKI MATSUURA, TRADUIT DU JAPONAIS PAR SILVAIN CHUPIN, 300 P., RIVAGES/NOIR, 20 €

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