Bonnes nouvelles des étoiles
Philip K. Dick a beau avoir quitté notre réalité depuis 1982, sa littérature semble souvent nous parler de notre présent. Justement, Gallimard republie ses nouvelles.
C’est un évènement qui va susciter l’émoi chez tout lecteur de science-fiction : le 15 octobre prochain, Gallimard republie en « Quarto » et en deux volumes l’intégralité des nouvelles du génial Philip K. Dick (1928-1982), introuvables depuis des lustres ! L’occasion de renouer avec l’esprit de « l’ermite de Berkeley », qui savait, par son imagination retorse, sublimer les multiples névroses qui l’affligeaient – lesquelles le conduisirent, entre autres, à vivre en reclus, à se bourrer d’hallucinogènes, et à douter de la réalité du monde qui l’entourait.
Cette question de la perception du monde se retrouve dès ses premières nouvelles. « Roug », rédigée à 23 ans, où un chien prend les éboueurs pour des envahisseurs venus dépouiller les maisons de leurs précieuses poubelles. Ou « L’heure du Wub », sur un appétissant cochon extraterrestre doté d’une empathie surhumaine et d’une âme capable d’investir le corps de celui qui tenterait de le manger !
DES ALIENS ET DES DIEUX
Ce Wub annonce d’autres étonnant aliens, tels ceux de « La guerre contre les Fnouls », qui se déguisent en agents immobiliers nains pour envahir la Terre. Autres figures dickiennes récurrentes : les dieux. Dans « Un cadeau pour Pat », un employé d’une firme interstellaire offre à son épouse une petite divinité ganymédienne omnipotente et susceptible… une préfiguration drolatique du Dieu venu du Centaure, l’un des plus célèbres romans de Dick ?
Les nouvelles de K. Dick rappellent aussi qu’il avait le don des attaques : (« Alors, caporal Westerburg […], pourquoi vous prenez-vous pour une plante ? »). Et que son écriture utilitaire lui permettait tout de même de produire des textes poignants, tel « Foster, vous êtes mort » (1953), où un petit garçon terrorisé pousse son père à acheter un abri antinucléaire alors qu’il n’en a pas les moyens. Mais la grande spécialité de Dick, c’est bien sûr l’exploitation du thème de la folie : « Les assiégés » (1953) met en scène un groupe d’humains sur une planète supposément hostile, en proie aux attaques d’un adversaire invisible – et pour cause : il n’y a pas d’adversaire et les personnages sont en fait les rescapés d’un vaisseau hôpital qui convoyait de grands paranoïaques ! Bien entendu, ces volumes rassemblent aussi les nouvelles les plus célèbres de Dick : « Rapport minoritaire », sur la précognition, dont Spielberg tira un film à succès. Ou « Au temps de Poupée Pat », où l’auteur envisage, dès 1963, les joies de la réalité virtuelle…