Lire

DE BAPTISTE LIGER

-

C’est une année particuliè­re – oui, particuliè­re. Alors que la Covid-19 n’en finit pas de gangrener notre quotidien, 2020 ne fut effectivem­ent pas de tout repos. Au-delà des paramètres sanitaires et économique­s, la présente situation nous a ainsi menés à nous poser cette question : un livre est-il un « produit de première nécessité » ? Ou un bien « non essentiel » ? En dehors du flou évident sur la définition, le livre est ainsi devenu, outre le désir légitime de culture ou de divertisse­ment, un symbole de résistance des Français face aux décisions politiques. Mais il a révélé des différence­s et inégalités plus générales – géants virtuels contre petites boutiques, grandes enseignes physiques contre librairies de quartier. Entre concurrenc­e exacerbée (malgré le prix du livre unique et un livre numérique qui peine à décoller), hausse des loyers et désertion de certains centres-villes (avec une immense disparité territoria­le), ces dernières connaissai­ent déjà bien des difficulté­s et, dès lors, ont particuliè­rement ressenti une forme d’injustice, un acharnemen­t du sort. Aussi, osons un peu de mauvais esprit : parmi ces dizaines de millions de Français qui se déclarent officielle­ment « grands lecteurs » et extrêmemen­t attachés aux librairies indépendan­tes, combien ont, dans les faits, vraiment franchi les portes de celles-ci ces trois derniers mois (si tant est qu’il en existe à proximité…)? Est-ce parce qu’il est devenu immédiatem­ent inaccessib­le que le livre devient soudain si nécessaire et désirable à leurs yeux ? Au fond, ne serait-ce pas justement parce qu’il n’est pas de « première nécessité » que le livre n’en est que plus « essentiel »?

C’est dans ce contexte que nous avons composé ce numéro, consacré aux « 100 livres de 2020 ». Avec, pour emblème, l’admirable de Camille Laurens,

Fille évocation subtile de la condition féminine et de l’évolution de la société française, qui concilie ambition littéraire et capacité à toucher un très large public. On remerciera d’ailleurs la nouvelle jurée Goncourt d’avoir signé l’avant-propos du recueil de poèmes, Ce besoin d’aimer pour aimer, offert avec ce numéro. Par ailleurs, Fille viendra sans doute en contrepoin­t à la vision du monde d’Enid Blyton, la créatrice de Oui-Oui et du Club des Cinq, à laquelle nous consacrons aussi un dossier. La période des fêtes étant un moment où l’on se remémore son enfance, nous avons souhaité replonger dans cette oeuvre moins innocente qu’il n’y paraît. Mais qui a donné le goût de la lecture à tant d’entre nous. Et donné envie de fureter dans les librairies. Lorsqu’elles sont ouvertes.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France