In memoriam
Ces vers posthumes de Jean-Claude Pirotte (longtemps chroniqueur « poésie » pour Lire) sont le fruit de deux ans d’écriture durant lesquels il joue les trompe-la-mort et remonte le fil de sa vie.
Il aura écrit jusqu’au bout. Chaque jour, inlassablement, sans relâche. Au gré des moments de grâce et des mauvaises nouvelles. En dépit de la maladie, de la mort qui toujours un peu plus approchait. Au cours des deux années qui ont précédé son décès le 24 mai 2014, le grand poète belge Jean-Claude Pirotte – ancien chroniqueur de Lire – a rédigé la bagatelle de cinq mille poèmes. « Si vous en lisez un par jour, il vous faudra plus de treize ans » pour en venir à bout, s’amuse sa compagne, la romancière et traductrice Sylvie Doizelet, à qui nous devons la publication de cette somme d’ampleur exceptionnelle, Je me transporte partout. Des souvenirs de l’enfance jusqu’au seuil du tombeau, Pirotte s’y raconte au fil d’un journal très personnel, composé en tercets, en quatrains, en dizains, et souvent en sonnets. Une existence entière se déploie au rythme balancé de ses vers délicats et perçants. Porté par leur musicalité, on regarde le miroir de ses difficiles jeunes années en Wallonie, la passion pour son métier d’avocat, les vagabondages et les tourments qui suivirent sa condamnation à la prison pour complicité d’évasion. Enserrant entre ses mots l’impalpable légèreté de la lumière, Jean-Claude Pirotte ne cesse de surprendre et d’émouvoir, trouvant dans la simplicité, la profondeur, et dans le poids du réel, les lueurs d’un songe vital, qui ne renonce jamais : « Je vais mourir en écrivant/le dernier rêve de l’enfant/qui est encore dans mon corps. »