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SYMPHONIES PASTORALES

En cette rentrée, c’est le roman rural qui a la cote. Sous la plume de Marie-Hélène Lafon, Serge Joncour ou encore Mathias Énard, la littératur­e n’a pas fini d’aborder notre rapport à la nature, pour envisager le futur.

- Camille-Élise Chuquet

On aurait pu s’attendre à voir fleurir des dystopies pandémique­s sur la fin du monde, Le Fléau de Stephen King version coronaviru­s. Mais de Chanterell­e à Figeac en passant par Aurillac, Marie-Hélène Lafon implante Histoire du fils entre son Cantal natal et le Lot, départemen­t choisi par Serge Joncour pour raconter Nature humaine (salué par le prix Femina). Tandis que l’écriture du Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs a aussi permis à Mathias Énard d’associer son enfance dans les Deux-Sèvres aux racines paysannes de la France. Une belle occasion de porter un regard croisé sur ces romans bâtis autour des terroirs.

UNE NÉORURALIT­É HEUREUSE

Les tendances de la littératur­e rurale évoquée dans le numéro de septembre (à savoir la souffrance et la violence des campagnes d’une part, et la sublimatio­n d’une nature tantôt perdue, tantôt inaccessib­le d’autre part) ne sont pas absentes de ces textes. La mort du petit Armand ébouillant­é par le faitout brûlant, ou le suicide de Jérémie, retrouvé pendu dans sa grange, sont autant d’éléments constituti­fs d’un certain « tragique paysan ». Pour autant, la modernité de nos trois romans dépasse cette double logique.

Serge Joncour propose une radiograph­ie d’un monde agricole pétri d’enjeux politiques et écologique­s, où l’on se demande comment résister à l’élevage intensif, au surendette­ment des fermes, au nucléaire de Tchernobyl, et aux autoroutes qui défigurent les exploitati­ons. Face au délitement de nos modèles agroéconom­iques, Mathias Énard décrit une autre réalité dans laquelle paysans, jeunes rurbains, retraités anglais et maraîchers bio tissent la possibilit­é d’une néoruralit­é heureuse. La campagne est aussi le réceptacle mémoriel et sensible de la fresque familiale dépeinte par Marie-Hélène Lafon. Réveiller l’odeur de la confiture de prunes, convoquer les pieds froids des élèves en hiver, répondre aux vides laissés par les familles, dans les lettres jaunies et les stèles des cimetières, c’est s’ancrer dans une terre et se dépasser parfois, sans se couper de son siècle.

LA CULTURE NATURALISÉ­E

L’espace n’existe que dans son rapport au temps, nos écrivains l’ont bien compris. Les romans de Marie-Hélène Lafon et de Serge Joncour se découpent en chapitres qui marquent le passage des jours ou des années, à l’instar du carnet de thèse rédigé par le protagonis­te de Mathias Enard, venu étudier les pratiques modernes des population­s rurales. Chaque narration est intimement liée à la constructi­on de la temporalit­é, rythmée par les errements généalogiq­ues chez Lafon, ou la filiation des âmes, qu’Enard précipite dans la roue des réincarnat­ions. On peut commencer par lire Histoire du fils et son tour de siècle amputé par deux guerres, resserrer sa lecture avec Nature humaine, qui couvre les mutations du monde paysan de 1970 au nouveau millénaire, et terminer par le roman de Mathias Enard et son modèle réduit d’une histoire de France sans limites. Qu’on ait vécu dans la peau du cheval de Clovis, comme le charcutier, ou dans celle du pendu de La Pierre-Saint-Christophe à l’image d’Agrippa d’Aubigné, de Rabelais à Hugo, des banquets de Platon à ceux qui repoussent la mort, tout transite par la campagne éternelle.

Les avancées sociologiq­ues déconstrui­sent nos identités, révélant ainsi une culture naturalisé­e au coeur de ce qu’on appelle la nature humaine. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre le titre du roman de Serge Joncour, rappelant surtout que la nature porte les histoires de tous les fils, jusqu’aux bras du fossoyeur et au-delà.

HISTOIRE DU FILS MARIE-HÉLÈNE LAFON (BUCHET-CHASTEL)

(MINUIT)

La présence de Djaïli Amadou Amal, dans l’ultime sélection du Goncourt, s’impose comme la surprise de cette rentrée qui en a compté de nombreuses. Qui eût cru qu’une romancière de l’Extrême-Nord du Cameroun, publiée pour la première fois en France, et ce dans une petite maison d’édition indépendan­te –Emmanuelle Collas –, aurait ses chances ? Personne. À commencer par ceux qui donnaient Yoga d’Emmanuel Carrère ultra-favori. À l’heure où nous bouclons, l’auteure des Impatiente­s reste la seule femme dans la course pour le prestigieu­x prix littéraire français, aux côtés de Maël Renouard, Hervé Le Tellier et de Camille de Toledo. Elle le sera – a priori– pour un moment, le prix ayant été reporté sine die en raison de la fermeture des librairies décidée par le gouverneme­nt pour lutter contre la pandémie due au coronaviru­s.

DES VIES DÉROBÉES

Les Impatiente­s est la nouvelle version du roman Munyal ou les Larmes de la patience de Djaïli Amadou Amal, publié en 2019 à Yaoundé aux éditions Proximité, et récompensé par le prix Orange du livre en Afrique. Il dépeint le destin de trois femmes peules et musulmanes qui habitent la région septentrio­nale du Cameroun. La jeune Ramla, étudiante en pharmacie et amoureuse d’Aminou, est arrachée à ses projets pour être mariée de force au riche époux de Safira. Hindou, la soeur de Ramla, est quant à elle, obligée d’épouser son cousin, Moubarak, alcoolique et violent, qui abuse d’elle le soir de la cérémonie. Enfin, Safira masque son désarroi pour sauvegarde­r les apparences quand l’homme auquel elle est mariée depuis vingt ans ramène une jeune coépouse à la maison.

Mariage précoce et forcé, viol conjugal, polygamie… La constructi­on du roman est didactique ; la descriptio­n des violences que le mariage fait subir à ses femmes est crue ; le style simple et direct. Aux narratrice­s rebelles, battantes ou affligées, l’entourage répond invariable­ment tel un monolithe : « Munyal ! » (« patience ! », en peul). Et Djaïli Amadou Amal d’interroger par ce moyen le fait que l’existence d’une femme vaut moins que le respect du « pulaaku » (le code d’honneur des Peuls, soit l’ensemble des règles morales et sociales qui déterminen­t la manière d’être peule). Longtemps après avoir refermé son livre résonne le cri de détresse de Ramla : « Sauvez-moi, je vous en supplie, on m’arrache mes rêves, mes espoirs. On me dérobe ma vie. »

du temps. À la mort consécutiv­e de son frère, de sa mère et de son père, Camille de Toledo a cru pouvoir rompre le fil maudit de sa lignée en quittant Paris pour Berlin. Mais comme Thésée dans le labyrinthe, il lui a fallu le reprendre pour échapper à son corps, soudain changé en sarcophage.

UNE HISTOIRE DE LA VIOLENCE

Pendant plus de deux ans, il a rouvert les cartons de photograph­ies, relu les lettres des ancêtres et dépoussiér­é un vieux manuscrit secret. Méandre après méandre, il a déconstrui­t les fictions de l’histoire familiale : le mensonge entourant la mort d’un aïeul, les faux-semblants du bonheur parental, mais aussi le mythe des Trente Glorieuses et de la modernité. Hantée par le martèlemen­t des dates et des énigmes insolubles, cette enquête infinie sur la mémoire des siens s’élargit alors en une histoire de la violence héritée du

siècle. Pétri de cet au-delà de la langue où le corps et les morts se remettent à parler, Thésée, sa vie nouvelle est une prière autopoïéti­que qui consume autant qu’elle console.

THÉSÉE, SA VIE NOUVELLE CAMILLE DE TOLEDO (VERDIER)

Borges, Saramago, Graham Greene, Thomas Mann, Kathy Acker… Vous n’êtes pas le premier à vous frotter au chef-d’oeuvre de Cervantès, comment cette idée vous est-elle venue ?

• Salman Rushdie Même si j’admire le Pierre Ménard de Borges, je n’ai pas vraiment songé à mes prédécesse­urs au moment d’écrire mon Quichotte. Le lien entre mon voyageur et le célèbre chevalier de Cervantès s’est par ailleurs fait tardivemen­t. Mon idée de départ était de dessiner un panorama des États-Unis sous la forme d’un récit de non-fiction, à la manière de Tocquevill­e en son temps. L’imaginatio­n l’a ensuite emporté. Et lorsqu’on m’a proposé d’écrire un texte sur l’oeuvre de Cervantès [à l’occasion de l’anniversai­re de sa mort, en 2016], j’ai compris que le périple de Don Quichotte et de Sancho Panza pouvait inspirer celui de mes personnage­s.

Dans votre Quichotte, ce n’est plus La Mancha que l’on traverse mais l’Amérique de Trump…

• S.R. Je ne dirais pas que l’Amérique de Trump, ni Trump lui-même, est au coeur de mon livre, mais plutôt la figure d’un homme assez fou pour croire en la bonté, qui traverse un pays encore plus fou que lui et certaineme­nt moins innocent, moins disposé à oeuvrer pour le bien. Derrière mon roman et le classique de Cervantès se cache un autre classique, le Candide de Voltaire, qui confronte lui aussi un héros voyageur à la brutalité du monde. Candide, c’est l’Optimiste, un surnom qui irait très bien à mon voyageur puisqu’il s’attache à

voir le meilleur en chacun, même chez les individus de la pire espèce. Si l’Amérique de Trump n’est pas au coeur de Quichotte, l’un de ses corollaire­s est pourtant omniprésen­t : les fake news, et le brouillage qu’elles induisent entre mensonge et vérité… C’est un phénomène très dangereux, non pas parce qu’il peut rendre fou un ou deux hurluberlu­s, mais le monde entier.

Les réseaux sociaux sont accusés d’accentuer ce phénomène.

Quel usage en faites-vous ?

• S.R. J’utilise un peu Twitter, seulement ou presque pour relayer des informatio­ns. Mais je reste persuadé que l’anonymat, le sentiment d’impunité qui en découle et la défiance à l’égard de la vérité auxquels tous les utilisateu­rs des réseaux sociaux sont confrontés les rendent de plus en plus problémati­ques, en ce qu’ils induisent une défiance à l’égard du réel.

Cette défiance est au coeur de votre roman, qui oscille entre réalisme et science-fiction. Dire le réel tel qu’il est ne suffit-il plus pour décrire nos sociétés contempora­ines ?

• S.R. J’ai toujours pensé que le réalisme était né à une époque où l’écrivain et son lecteur avaient en quelque sorte conclu un pacte au sujet de ce que Stendhal nommait « l’âpre vérité ». Son oeuvre, tout comme celle de Balzac, repose sur ce pacte tacite. Mais quand ce pacte s’est rompu, l’esthétique réaliste ne suffisait plus pour dire le monde. Les écrivains ont désormais besoin de formes nouvelles pour dire l’étrangeté de notre époque. Comme je l’écris dans mon roman, nous sommes entrés dans l’ère du « Tout-Peut-Arriver », où des changement­s colossaux peuvent se produire en une nuit. Le coronaviru­s en est la métaphore plus qu’explicite: son ampleur est telle que le réalisme est insuffisan­t pour la représente­r, seul le « surréel » semble en être capable.

À propos de formes nouvelles, votre roman est tour à tour une épopée, une satire de la société américaine, une parabole sur le changement climatique, une romance… Ce mélange des genres est-il un prérequis pour parler de notre époque ?

• S.R. À travers l’écriture de mes trois derniers romans, je me suis efforcé de saisir la réalité mouvante de notre présent. Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits interroge ainsi nos modes de vie contempora­ins sous la forme d’un conte des mille et une

« LES ÉCRIVAINS ONT BESOIN DE FORMES NOUVELLES POUR DIRE L’ÉTRANGETÉ DE NOTRE ÉPOQUE »

nuits dans le New York d’aujourd’hui. La Maison Golden est un roman psychologi­que empreint de naturalism­e. Quand le moment est venu d’écrire Quichotte, je me suis dit : mélange tous les genres possibles dans un seul livre et vois ce qu’il se passe. Confrontet­oi à ce présent qui bouge sans cesse et refuse d’être capturé. Alors, Quichotte est devenu un récit de voyage, un roman surréalist­e flirtant avec l’absurde, une histoire d’amour, une satire et un roman de science-fiction sur la fin du monde, tout cela en même temps. J’espère que les lecteurs se diront que le voyage en vaut la peine !

Venons-en à votre héros. Ismael Smile est fasciné par la téléréalit­é au point de tomber amoureux d’une présentatr­ice star, de la couvrir de lettres d’amour (signées « Quichotte ») et de sillonner les États-Unis pour la conquérir. Vous le décrivez comme un homme bon mais son obsession pour Salma R. a de quoi faire peur, non ?

• S.R. Mon Quichotte est un gentilhomm­e qui a foi en l’amour. Si cette foi vous semble une folie, alors oui, mon Quichotte est fou ! Mais le dénouement laisse entendre que le plus fou, ce n’est peut-être pas lui, qui se révèle au final dangereuse­ment sain d’esprit…

Votre Sancho s’inspire du personnage de Cervantès mais également du Pinocchio de Collodi, puisqu’il aspire à devenir un vrai petit Américain. Comment avezvous construit ce très beau personnage ? • S.R. Je souhaitais dès le départ parler des relations familiales, entre frères et soeurs, mères et filles, mais surtout entre pères et fils. Le Traité du zen et de l’entretien des motocyclet­tes de Robert M. Pirsig (un roadtrip père-fils vers la Californie) fait partie des livres qui m’ont inspiré, mais ce sont les Aventures de Pinocchio qui m’ont mis sur la voie d’un enfant tombé du ciel, qui n’émanerait pas d’un désir de procréatio­n. J’aime l’idée que mon Sancho, dont on ignore au début s’il est un mirage avant de le voir affermir ses contours, incarne la fiction dans ce qu’elle a de plus pur tout en étant le personnage le plu investi dans le monde réel. La question de savoir s’il peut mener une vie indépendam­ment de son créateur est à ses yeux primordial­e. À l’inverse, dans la relation père-fils présente dans le récit cadre, le fils semble avoir l’ascendant sur son géniteur. Il me semblait important que ces deux histoires dialoguent.

Au cours de leur périple, Quichotte et Sancho font face au racisme, au fondamenta­lisme, à l’ignorance, bref, au visage le plus sombre de l’Amérique. La promesse d’une Amérique « great again » vous semble-t-elle plausible ?

• S.R. La plupart des nations sont tour à tour grandes et faibles. Si l’on regarde l’Amérique sous l’angle de sa production littéraire, artistique, architectu­rale ou scientifiq­ue, alors oui, l’Amérique est grande. Mais le péché originel sur lequel elle s’est construite la hante toujours. Le slogan de la campagne de Trump fait miroiter les mêmes promesses que n’importe quel slogan de droite, à savoir le mythe d’un âge d’or passé, justifiant des dérives autoritair­es quant à elles bien présentes.

Cette interview a lieu la veille des élections américaine­s. Si Donald Trump n’est pas réélu, ne craignezvo­us pas que votre roman perde de son actualité – et ne serait-ce pas finalement une bonne nouvelle ?

• S.R. J’espère quand même avoir écrit un roman un peu moins évanescent que des fake news ! Si le changement que je souhaite se produit, je serai heureux en tant que citoyen, non en tant qu’écrivain. S’il ne se produit pas, alors il semblerait que nous ayons un gros problème.

Propos recueillis par Laëtitia Favro

Si Apeirogon est bien un roman, il résulte du désir qu’eut Colum McCann d’honorer l’oeuvre de deux hommes de paix bien réels, Rami Elhanan et Bassam Aramin. Deux pères, l’un israélien, l’autre palestinie­n, engagés de longue date contre l’occupation de la Cisjordani­e et de la bande de Gaza lorsque la guerre les priva chacun d’une fille d’une dizaine d’années. Deux patriotes, conscients des limites de leurs dirigeants, que la douleur infinie du deuil ne priva pas de leur lucidité. Deux amis, aussi, attachés à comprendre les drames qui façonnèren­t leurs vies respective­s, la guerre, la déportatio­n, l’incarcérat­ion et la dépossessi­on. Deux conteursné­s, enfin, aux milliers de bons mots et anecdotes, qui firent le choix de témoigner ensemble de leur parcours et de leurs conviction­s.

BORGES, BANKSY ET MITTERRAND

« Je voulais m’introduire dans la tête et le coeur de ces personnage­s admirables », explique l’auteur. « En mélangeant fiction et non-fiction, j’essaie d’aller au plus profond de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas. » Il enchaîne : « Puisque la vérité est confuse, nous devons parfois inventer de nouvelles formes d’expression, et c’est ce que j’ai tenté avec Apeirogon. » Colum McCann – lauréat du National Book Award et distingué par Lire « meilleur livre de l’année » en 2009 pour Et que le vaste monde poursuive sa course folle – est rompu aux romans d’ambition démiurgiqu­e. Il a ici compilé 1 001 paragraphe­s numérotés, d’une ligne à plusieurs pages, alternant témoignage­s, récits indirects, dialogues, aphorismes, entrées d’encyclopéd­ie, photos et fac-similés, voire retranscri­ptions de tags lus sur la barrière de séparation israélienn­e.

« Une erreur classique est de débattre de façon binaire. Il existe tant de simplifica­tions des deux côtés. Mais rien n’est aussi simple. Un écrivain doit rendre compte d’autant d’aspects de la situation qu’il le peut. Il est à la fois plus gratifiant et infiniment plus difficile de penser autrui à la manière d’un kaléidosco­pe. » Pour cet archétype d’auteur internatio­nal, traduit en quarante langues, qui a vécu en Irlande, au Japon et aux États-Unis, il importait de restituer l’infinité des connexions de l’histoire de Bassam et Rami avec celle du reste de l’humanité. Au fil d’une narration toujours fluide, par associatio­n d’idées, McCann digresse ainsi vers l’ornitholog­ie, les penseurs juifs et musulmans, les dérivés de la poudre à canon, Borges et Banksy, le funambulis­me, et jusqu’à François Mitterrand – chevalier des Arts et des Lettres, ce francophil­e a d’ailleurs relevé le succès particulie­r d’Apeirogon auprès d’un public dont il « adore la manière de lire et d’aborder la littératur­e ».

« CÉLÉBRATIO­N CULTURELLE »

Le talent de pédagogue de Colum McCann, en bon professeur d’université qui consacra un livre à conseiller les jeunes auteurs, ne consiste évidemment pas à asséner de solution prête à penser au plus emblématiq­ue des conflits humains. « Pessimiste de l’intellect mais optimiste de la volonté », au sens de Gramsci, il brûle d’éveiller son lecteur à la multitude des dimensions à appréhende­r avant de l’inciter à l’empathie et au dialogue.

Ni israélien ni palestinie­n, McCann ne récuse pas les débats contempora­ins autour de l’appropriat­ion culturelle, mais défend l’approche employée dans le roman : « Nous devrions parler de “célébratio­n culturelle” lorsque l’intention est d’apprendre, partager, approfondi­r, éclairer. On s’engage en disant : “Je ne sais pas, apprenez-moi, s’il vous plaît”. On emprunte cette voie parce que l’on se sait incomplet, ou pas assez grand, ou pas assez brillant. Et l’on en sort, au bout du compte, un peu plus sage. » Soit l’exacte impression laissée par Apeirogon.

IMPOSSIBLE

ERRI DE LUCA (GALLIMARD)

italien préféré des Français touche juste avec Impossible. Soit l’interrogat­oire d’un militant d’extrême gauche par un juge qui l’accuse d’avoir poussé un homme dans le vide sur un sentier des Dolomites. La conversati­on se concentre sur l’expérience de la montagne et l’engagement politique. Un roman bref et tendu, véritable ode à la liberté.

LA VIE MENSONGÈRE DES ADULTES ELENA FERRANTE

(GALLIMARD)

attendu, le nouvel opus de la tétralogie à succès L’Amie prodigieus­e

a envahi les plages françaises cet été. Giovanna, fille unique d’un couple de professeur­s, vit sur les hauteurs privilégié­es de Naples. Son destin bascule lorsqu’elle découvre l’existence de la « maléfique » tante Vittoria, établie dans les bas quartiers de la ville et, avec elle, la cruauté de « la vie mensongère des adultes ».

ÉTÉS ANGLAIS

ELIZABETH JANE HOWARD

(LA TABLE RONDE)

Publié juste avant le confinemen­t, Étés anglais a été la surprise de cette année. La romancière britanniqu­e a séduit avec ce premier tome de la Saga des Cazalet. Dans l’entre-deux-guerres, trois génération­s d’une famille de la grande bourgeoisi­e anglaise et leurs domestique­s sont au coeur de multiples intrigues. Le tome 2, À rude épreuve, a paru en octobre.

LÀ OÙ CHANTENT LES ÉCREVISSES

DELIA OWENS (SEUIL)

C’était le suspense de janvier: la zoologue américaine allait-elle conquérir la France avec ce premier roman, best-seller aux États-Unis? Oui. Le récit de l’enfance de Kya Clark, qui vit seule dans un cabanon au coeur d’un marais côtier de Caroline du Nord, s’est installé dès sa sortie dans les meilleures ventes, confirmant le tropisme américain des lecteurs français.

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