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RACONTE-MOI L’ESCLAVAGE

Alma. Le vent se lève est le roman jeunesse de l’année ! Sorti en juin et lauréat de plusieurs distinctio­ns, dont le prix Gulli du roman et le prix France Télévision­s du roman jeunesse, le nouveau Timothée de Fombelle s’est inscrit dans le débat actuel su

- Raphaële Botte

L’année 2020 marque le retour d’une grande aventure signée Timothée de Fombelle. Juste avant l’été, le romancier – Tobie Lolness, Vango, Le livre de Perle – a livré le premier tome de sa nouvelle trilogie. Alma. Le vent se lève est déjà une magnifique promesse. Cette fois-ci, l’auteur emporte ses lecteurs dans l’histoire de la traite négrière et du commerce triangulai­re.

Le roman s’ouvre en 1786 et l’intrigue est immédiatem­ent portée par son héroïne de 13 ans, Alma. Le lecteur la rencontre au coeur d’une vallée paradisiaq­ue, dont elle arpente les étendues, protégée par l’amour de ses parents et de ses frères. Un jour, Laam, le plus jeune, décide de partir à l’aventure, de quitter « la forteresse sauvage » pour découvrir un ailleurs qu’Alma lui a si souvent décrit dans les histoires qu’elle lui invente. Mais elle sait, elle, que derrière les falaises le danger rôde… Tandis qu’elle se lance à sa recherche, au même moment, sur un autre continent, dans le port de Lisbonne, un jeune orphelin, Joseph, s’embarque clandestin­ement sur un navire. Cette embarcatio­n s’appelle La Douce Amélie, du prénom de la fille de l’armateur. Dorénavant, les destins d’Alma, de Joseph et d’Amélie sont liés…

REMONTER LE FIL DE L’HISTOIRE

Timothée de Fombelle attrape son lecteur au collet. Les intrigues se multiplien­t, les mystères s’épaississe­nt. Pourquoi le père d’Alma a-t-il éloigné sa famille du monde ? Pourquoi semble-t-il si bien connaître le danger ? D’où vient ce jeune Joseph ? Pourquoi embarque-t-il sur ce navire ? Et dans quelle mesure Amélie parviendra-t-elle à ouvrir les yeux sur l’origine de la fortune et de la faillite de son père ? La langue est belle, soutenue et accessible, musicale et rythmée. Elle emporte avec force et conviction le lecteur dans cette page de l’Histoire. Timothée de Fombelle a passé quelques années de son adolescenc­e en Côte d’Ivoire. Il explique avoir pris réellement connaissan­ce de la traite négrière en visitant les forts de la côte ghanéenne, dans lesquels les captifs avaient été entassés avant de prendre le large. Si le sujet ne l’a jamais quitté, il s’est attelé à la tâche plus d’une trentaine d’années plus tard.

Un conséquent travail de documentat­ion confère au texte une grande justesse : les mots sont précis, les bateaux, des copies conformes de bâtiments ayant existé, les récits de captures au plus proches de ce que les historiens ont pu établir… Mais cette oeuvre historique s’est aussi fait rattraper par l’actualité et le vif débat sur la quête d’une égalité réelle entre les Noirs et les Blancs. La sortie d’Alma (repoussée à cause de l’épidémie de la Covid-19) a percuté le mouvement Black Lives Matter à nouveau sur le devant de la scène après le meurtre de George Floyd. Bien sûr, l’intrigue ne se situe précisémen­t pas là, mais remonter l’histoire de l’esclavage, c’est aussi se replonger au fondement du racisme. Se retrouver au plus près d’Alma dans les caves du bateau négrier, écouter le chant de sa mère à la recherche désespérée des siens, écarquille­r les yeux en découvrant la barbarie et le cynisme dont sont capables le capitaine du bateau et ses sbires, c’est appréhende­r autrement l’ampleur de cette déportatio­n massive. C’est souffrir avec Alma et les autres. La force de ce récit est de mettre des visages, des histoires et des émotions sur ces millions de sacrifiés. Ainsi, le pouvoir romanesque hisse Alma du côté des héroïnes qui murmurent longtemps à l’oreille de leurs lecteurs.

K «ing et Kong sont des pandas. Des frères jumeaux. Ils vivent paisibleme­nt au fond d’une grotte. Ils ont peur des fourmis – les soeurs Miette –, adorent les pizzas, les anchois, les pizzas aux anchois, les tartes aux myrtilles. Mais, une nuit, Kong est assailli par les soucis qui lui trottent en tête. Il est heureux mais son coeur le gratouille. Aussi décide-t-il de partir en voyage, sur un coup de tête, sans même prévenir son frère… Le romancier Alex Cousseau offre une aventure burlesque, adorable, cocasse, qui rappelle celle de Pombo l’ours et de son ami Java (Pombo Courage d’Émile Cucherouss­et). King et Kong met des sourires dans le coeur et des étoiles dans les yeux ; beaucoup de tendresse aussi, et de poésie amusante. C’est une très jolie histoire de voyage, de frères, de rencontres, de malentendu­s. L’écriture d’Alex Cousseau est merveilleu­se, juste et décalée comme il faut. Les dessins de Clémence Paldacci sont quant à eux emplis de délicatess­e et de facétie. Sorti en mars dernier, cet amour de petit roman se savoure comme une délicieuse pizza. »

*chantelivr­e.com

KING ET KONG

ALEX COUSSEAU

ILLUSTRÉ PAR

CLÉMENCE PALDACCI

(LE ROUERGUE)

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