Sous l’emprise du numérique
La cruelle réalité des Gafam décrite par Shoshana Zuboff.
La thèse de l’universitaire américaine Shoshana Zuboff est implacable. Nous ne sommes pas seulement pris comme des moucherons dans les rets gluants de World Wide Web. Reliés ad libitum à nos outils connectés, « depuis les iPhones jusqu’aux milliers d’entreprises, d’applications et de dispositifs en ligne », nous sommes les « victimes consentantes » d’un contrôle numérique généralisé. Inventé par les géants Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (Gafam), mais aussi les opérateurs de téléphonie et les concepteurs d’objets « connectés », un capitalisme d’un nouveau type traque désormais sans relâche nos conduites pour mieux les manipuler et/ ou les vendre au plus offrant. L’année 2001 fut à cet égard cruciale, quand, confronté à l’éclatement de la « bulle Internet », Google décida pour la première fois de commercialiser les données personnelles de ses usagers. Pionnière dans l’étude des bouleversements managériaux induits par la numérisation, Zuboff s’était félicitée il y a trente ans de l’avènement du PC et de l’Internet, y voyant une « nouvelle économie capable de renforcer le pouvoir des consommateurs » (In the Age of the Smart Machine. The Future of Work and Power). Aujourd’hui, cette psychologue à la Harvard Business School déchante, montrant à quel point ce « contrat faustien » avec les Gafam nous a « instrumentalisés ».