Rien ne va « pue »
Les Mémoires du « pape du trash », John Waters, rassemblent autant d’anecdotes savoureuses que de conseils avertis. Sous le signe des mauvaises odeurs.
À70 ans bien sonnés, John Waters n’en revient toujours pas. « Soudain, la pire chose qui puisse arriver à un artiste me tombe dessus : je suis accepté », déplore-t-il au début de cette autobiographie aussi géniale qu’iconoclaste, M. Je-sais-tout tient toutes ses promesses. Comment est-il donc devenu ami avec Jeanne Moreau ? À force d’échecs et de galères, mais confiant dans sa bonne étoile. « Si vous voyez le nom de Waters à l’affiche, changez de trottoir et bouchez-vous le nez », écrit un jour un critique du New York Post, lui donnant l’idée de réaliser « un film qui pue pour de vrai ». Polyester devient ainsi le premier film en « odorama » pour lequel on remet à l’entrée des salles un sticker avec pastilles à gratter. Chantre du cinéma underground, c’est avec Hairspray, chronique musicale des sixties, que Waters conquiert Hollywood en 1988, puis avec Cry-Baby qui, après une standing ovation à Cannes, fera un bide au box-office.
Toute l’essence du cinéma et de la vie de John Waters est là : des sommets puis des chutes vertigineuses, dont l’ivresse perdure page après page. La tendresse également, quand le cinéaste se souvient de Divine, la légendaire drag-queen égérie de six de ses films. Quelques pages piochées au hasard suffisent pour faire de John Waters, désormais célébré comme un « trésor national », son pygmalion, et de l’humour la meilleure arme aux injustices de notre temps.