LA BIBLIOTHÈQUE INFERNALE
Sélection d’ouvrages qui ont traversé bien des catastrophes éditoriales ou connu des destins agités avant de parvenir jusqu’à nous.
L’oeuvre de Jacques Abeille est célébrée aujourd’hui comme une création majeure de la littérature d’imagination, et ses Jardins statuaires, premier volet du Cycle des contrées,
est tenu pour un roman culte. Quelles embûches a-t-il cependant surmontées ! Tout commence à la fin des années 1970 quand Abeille donne son manuscrit à Julien Gracq. Ce dernier, emballé, le fait suivre à son éditeur, José Corti. Mais l’enveloppe s’égare, et Corti ne lira pas le texte. Abeille entre alors en négociation avec un autre éditeur, qui ne tarde pas à faire faillite. Bernard Noël décide de l’éditer chez Flammarion en 1982, mais un problème de fabrication l’oblige à reporter la sortie, en réduisant la visibilité à néant. Noël quitte ensuite Flammarion, qui conserve les droits des Jardins et les réimprime. Les exemplaires sont réduits en cendres en 1988 dans l’incendie – criminel – d’un entrepôt du Val-d’Oise. Abeille a migré entre-temps vers les éditions Deleatur, qui le publient avec fidélité, mais où sa notoriété demeure confidentielle. Les Jardins renaissent ensuite en 2004 chez Joëlle Losfeld ; la maison mère, Gallimard, bloque cependant la réédition des autres titres du cycle. La seconde résurrection survient en 2010, au Nouvel Attila (aujourd’hui Le Tripode), qui réunira tous les romans du cycle sous de belles couvertures de François Schuiten. Preuve que toute grande oeuvre finit par toucher son public…