Lire

Beau-papa

Il est des thèmes qui vous habitent. Celui de la paternité, assumée par un biais ou un autre, revient dans le nouveau roman de l’auteur.

- Bernard Quiriny

Le Roman de Jim aurait pu s’intituler Les Enfants des autres, comme le précédent roman de Pierric Bailly. Le narrateur se met en couple avec une femme enceinte ; l’enfant naît, il l’élève comme le sien. Le père biologique, qui vit dans le coin, n’a aucune intention de s’occuper du petit Jim. Tout est donc pour le mieux, jusqu’au jour où…

C’est une histoire banale, une histoire de paternité involontai­re, d’amour fou pour un môme, de famille éclatée. Sous la plume de Bailly, elle acquiert quelque chose de poignant, d’immédiat. L’auteur a le don de rentrer instantané­ment dans le vif du sujet, de cerner ses personnage­s dans ce qu’ils ont de fragile et de juste, sans faux-semblant, sans écran, avec le plus grand naturel.

UNE LANGUE EN BLOUSE DE TRAVAIL

Ses héros sont – comme à l’accoutumée – des prolos du Jura, magasinier­s, artisans, travailleu­rs au noir ; ils bossent dans des supermarch­és, sont intérimair­es en usine, retapent leur maison eux-mêmes. C’est le même milieu populaire, généraleme­nt ignoré par la littératur­e, qu’explorent les romans de Nicolas Mathieu ; mais il est abordé ici sous un angle différent, plus familier, pour ainsi dire de l’intérieur.

Bailly raconte son histoire dans un style brut, rude, précis ; une langue en blouse de travail et baskets, où les afféteries n’ont pas leur place. Le récit est à la première personne, comme pour Les Enfants des autres ; mais tandis que le « je » de ce roman visait à prendre le lecteur au piège de la psyché branlante du narrateur, pour une variation lynchienne sur le fantasme et la réalité, le « je » du Roman de Jim vise plutôt à cerner au plus près les sentiments de notre père d’adoption, hésitant d’abord face à Jim, puis amoureux fou, puis éperdu de détresse. Moins perché que L’Étoile du Hautacam, moins spectacula­ire que Les Enfants des autres, ce Roman de Jim est un beau livre sensible où l’auteur fait montre pour ses personnage­s, attachants et humbles, d’une sorte de tendresse pudique, taciturne, comme s’il les avait toujours connus.

 ??  ??
 ??  ?? ★★★☆☆ LE ROMAN DE JIM PIERRIC BAILLY 256 P., P.O.L, 19 €. EN LIBRAIRIES LE 4 MARS.
★★★☆☆ LE ROMAN DE JIM PIERRIC BAILLY 256 P., P.O.L, 19 €. EN LIBRAIRIES LE 4 MARS.

Newspapers in French

Newspapers from France