Le temps d’une histoire
Dans un nouveau roman choral à la construction ingénieuse, la romancière canadienne donne à lire une émouvante fresque familiale qui explore nos douloureuses quêtes identitaires.
Depuis Les Variations Goldberg, son premier roman paru il y a tout juste quarante ans, l’écrivaine d’origine canadienne et française d’adoption, Nancy Huston, bâtit pierre après pierre un merveilleux édifice littéraire dressant au fil des livres le tableau sensible et poignant de la construction chaotique des êtres. Son oeuvre, tout entière traversée par les questions de transmission et de filiation, s’attache à explorer les liens insondables qui unissent les hommes et fondent les familles. Aujourd’hui, l’écrivaine renoue avec la veine romanesque qui l’a consacrée. Dans un habile jeu de miroir, son nouveau livre rappelle Lignes de faille, récit polyphonique inoubliable qui lui valut en 2006 le prix Femina.
Pour construire ses histoires foisonnantes, Nancy Huston jongle entre les époques et les existences chahutées.
FACE À UN MONDE QUI CHANGE
Dans Arbre de l’oubli, elle brosse le portrait d’une famille américaine sur trois générations, un récit qui suit, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte, un père de famille, sa femme et sa fille. Trois temporalités, trois vies face à un monde qui change, mais les mêmes angoisses existentielles. Comme à son habitude, Nancy Huston fait preuve d’une justesse épatante dans l’exploration des affres de la condition humaine et dissimule derrière un drame familial poignant une réflexion bien plus vaste sur ce qui fonde notre identité.
À travers les destinées tourmentées de Joel, LiLi Rose et Shayna, elle passe au crible les sujets les plus brûlants de nos sociétés contemporaines. Traumatisme de l’enfance et résilience, métissage et question raciale, mémoire de la Shoah et de l’esclavage, féminité et féminisme, éveil au désir et à la sexualité, procréation pour autrui, avortement : avec cette oeuvre tentaculaire, l’écrivaine fait le portrait d’une humanité touchante, dont la beauté réside dans le doute permanent qui l’anime et dans son infatigable quête de sens.