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Dames de trèfle

- Fabrice Colin et Juliette Savard

D’un côté, une fresque génération­nelle efficace et, de l’autre, un singulier récit autobiogra­phique. Les auteures irlandaise­s nous dévoilent deux facettes de la vitalité littéraire de leur pays.

Ventes faramineus­es, prix et nomination­s à gogo – plus une série télé –, avec Normal People, Sally Rooney a, à l’instar d’Elena Ferrante, saisi à la perfection l’esprit de sa génération (elle est née en 1991). On suit ici, sur quatre ans, le destin de Connell et Marianne, deux Irlandais épris que tout ou presque oppose. Elle est riche, sophistiqu­ée, orpheline de père, et « affiche ouvertemen­t son mépris pour les autres élèves ». Il est beau, populaire, doté d’une tête bien faite… et sa mère est la femme de ménage de celle de Marianne. Histoire d’amour sur fond de lutte des classes, donc. Sauf que la lutte est feutrée, que les rôles s’inversent, et que cette romance contrariée est décrite avec une justesse et une économie de moyens qui rendent le livre impossible à lâcher.

LE CORPS AU CENTRE

Si l’on peut reprocher une certaine fadeur stylistiqu­e à Normal people, les mots de Sinéad Gleeson dans Constellat­ions sont, quant à eux, autant d’étoiles reliées entre elles qui nous guident à travers la vie. Astral, le corps est au centre, qui, malade, « a son propre élan narratif ». Empêché par une monoarthri­te, freiné par une leucémie puis par un cancer du sang, marqué par les grossesses, celui de Sinéad Gleeson a une « histoire médicale » unique. Elle nous la confie sans apitoiemen­t, et déploie, dans un même mouvement, ses réflexions sur l’amour, la parentalit­é, la mort, l’art et les femmes.

Les femmes, parmi lesquelles sa grand-mère, sa tante, sa fille ; les femmes en Irlande (qui ont attendu jusqu’en 2018 une légalisati­on – partielle – de l’avortement); les femmes, exclues longtemps de certains aspects de la vie. En outre, Gleeson s’en réfère, de manière singulière, à Ana Mendieta, Frida Kahlo, Jo Spence et autres artistes qui ont porté leur corps jusque dans leurs oeuvres. En ces temps suspendus, Constellat­ions est une respiratio­n et une lumière dans le noir.

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Sinéad Gleeson Sally Rooney
 ??  ?? ★★☆☆☆ NORMAL PEOPLE (ID.) SALLY ROONEY TRADUIT DE L’ANGLAIS (IRLANDE) PAR STÉPHANE ROQUES, 320 P., L’OLIVIER, 22 €. EN LIBRAIRIES LE 4 MARS.
★★☆☆☆ NORMAL PEOPLE (ID.) SALLY ROONEY TRADUIT DE L’ANGLAIS (IRLANDE) PAR STÉPHANE ROQUES, 320 P., L’OLIVIER, 22 €. EN LIBRAIRIES LE 4 MARS.
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★★★★☆ CONSTELLAT­IONS. ÉCLATS DE VIE (CONSTELLAT­IONS. REFLECTION­S FROM LIFE) SINÉAD GLEESON TRADUIT DE L’ANGLAIS (IRLANDE) PAR CÉCILE ARNAUD, 304 P., LA TABLE RONDE, 22 €

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