Le dessous des cartes
Vaste, varié, mais par de nombreux points relié. Tel nous apparaît le monde francophone dans le passionnant Atlas mondial de la francophonie, publié à l’occasion des 50 ans de l’Organisation.
L’Atlas mondial de la francophonie relève le défi de cartographier un monde sans frontière connue, composé de 88 États membres et de 1,2 milliard d’individus. Tous ne parlent pas français, et vivent des réalités économiques et politiques bien différentes. Seule les relie la « farouche volonté de partage et d’identité » des pères fondateurs de la Francophonie (le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, le Tunisien Habib Bourguiba, le Nigérien Hamani Diori et le roi Sihanouk du Cambodge) comme l’explique dans sa préface Louise Mushikiwabo, la secrétaire générale de la Francophonie.
LE CONTINENT AFRICAIN
ET LA DYNAMIQUE FRANCOPHONE
L’ouvrage commence par un historique complet de la construction de l’organisation. On y apprend que le mot « francophonie » est né en 1 880 sous la plume du géographe français Onésime Reclus : les francophones sont « tous ceux qui sont ou semblent être destinés à rester ou à devenir participants de notre langue ». Le concept ne prend pas et ne réapparaît qu’en 1962 chez Senghor qui invite les peuples décolonisés à se « servir de ce merveilleux outil trouvé dans les décombres du régime colonial ».
Aujourd’hui, 300 millions d’individus parlent français dans le monde, dont près de la moitié vit au sud de la Méditerranée. Les cartes insistent sur le poids du continent africain dans la dynamique francophone, l’expliquant par la vitalité démographique et les progrès de la scolarisation sur le continent. « La langue française est aujourd’hui une langue africaine », abonde la philosophe franco-algérienne
Razika Adnani. Pour preuve, 60 % des locuteurs quotidiens du français vivent en Afrique. À l’international, le français arrive derrière l’anglais. Si le français est la deuxième langue la plus parlée en Europe et la deuxième langue étrangère apprise par les collégiens européens, sa chute au sein des institutions européennes s’avère vertigineuse. Ainsi, quand 58 % des documents émanant de Bruxelles étaient rédigés en français en 1986, ils ne sont plus que 3,7 % en 2019. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne devrait légitimement redistribuer les cartes, l’anglais ayant été relégué « en 17e position des langues maternelles les plus parlées par les citoyens de l’UE », a estimé Louise Mushikiwabo dans une tribune au Monde.
DE GRANDS ÉCARTS D’ACCÈS À LA CULTURE
Cependant, le plurilinguisme est la règle dans les aires géographiques où la langue française est pratiquée quotidiennement. Que ce soit en République démocratique du Congo (RDC), où le français cohabite avec quatre langues nationales, ou au Canada, où de nombreuses langues immigrantes (dont le mandarin, le pendjabi et l’espagnol) continuent d’être parlées à la maison.
L’Atlas se focalise aussi sur l’enseignement du français. On apprend ainsi que ça n’est pas tant par le biais du réseau scolaire français (0,5 % des apprenants) que par les écoles publiques et privées locales qu’on apprend en français dans le monde aujourd’hui. Enfin, si l’importance de la solidarité est maintes fois soulignée, les cartes mettent également au jour les énormes écarts d’accès à Internet, à l’éducation ou à la culture. Les raisons d’espérer sont plutôt à chercher du côté des jeunes ONG francophones et des projets concrets de construction de salles de classe ou d’assainissement des eaux menés par l’Association internationale des maires francophones.