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« LA GÉNÉRATION DU BOOM A ÉTÉ STÉRILISAN­TE »

- Propos recueillis par A.B.

L’éditrice Anne-Marie Métailié est l’une des principale­s passeuses de littératur­e latino-américaine en France : récemment, nous lui devons les excellents Tupinilând­ia et Les Vilaines (voir encadré page 61), et elle s’apprête à faire paraître, début avril,

Plier bagages, du jeune auteur mexicain Daniel Saldana Paris. Quand avez-vous rencontré les auteurs du boom?

J’ai rencontré Vargas Llosa dans les années 1960, quand il venait d’écrire

La Ville et les Chiens. J’étudiais la littératur­e latino-américaine. Lui se trouvait à Paris et il était venu nous lire un passage de son roman. On l’a trouvé vraiment très bien, ce garçon! Le livre était extraordin­aire. Il nous avait lu la scène du concours de masturbati­on dans le dortoir. Deux filles ne savaient pas de quoi il s’agissait et l’ont interrogé sur cette « merveilleu­se scène fantastiqu­e ».

Et comment décririez-vous la littératur­e sud-américaine d’aujourd’hui? S’inscrit-elle dans la lignée des auteurs du boom ?

Pas du tout. La génération du boom a été stérilisan­te pour la génération qui est venue juste après. À l’époque, quand Santiago Gamboa [le talentueux

auteur colombien du Siège de Bogotá] était un jeune auteur, on lui demandait toujours de parler de la présence de García Márquez dans ses oeuvres. Lui répondait : « Márquez ne nous souffle

plus dans le cou quand on écrit. C’est

un grand-père. » Le monde a tellement changé depuis que l’on ne peut plus écrire le même type de littératur­e. Les jeunes auteurs ont des influences beaucoup plus variées!

Et ils rompent avec le réalisme magique ?

Bien sûr. Dans Les Vilaines, par exemple, on a une transforma­tion du personnage que l’on pourrait interpréte­r comme du réalisme magique – mais c’est une métaphore! Le fantastiqu­e a changé, aussi. Il y a toute une génération de jeunes femmes qui écrivent des livres d’horreur, mais leur fantastiqu­e se nourrit d’influences mondiales. D’ailleurs, qu’appelle-t-on « réalisme magique » ? Souvenez-vous des papillons jaunes qui suivent le personnage de Mauricio Babilonia dans Cent ans de solitude ! Je suis allée en Colombie, je me trouvais sur un champ de fouilles archéologi­ques, pas ouvert depuis vingt ans, et tout à coup le fils de nos amis est passé devant moi en courant, la tête entourée d’un halo de papillons jaunes! Ce n’était donc pas du fantastiqu­e…

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