LE NOUVEAU MILENA AGUS
Depuis 2007 et Mal de pierres, l’auteure décrit une Sardaigne éternelle, mais aussi terriblement actuelle. Cinq ans après Sens
dessus dessous, elle se saisit à nouveau de la tragédie des migrants – mais plus frontalement. Au coeur des terres sardes, dans un village où le train ne marque même plus d’arrêt en gare, les habitants sont de vieux couples subsistant de la monoculture d’artichauts. Le jour où « les envahisseurs » débarquent, personne ne veut de cette caravane d’exilés. C’est qu’« avant l’invasion du village par les migrants et les humanitaires qui les accompagnaient, il y avait eu celle des aides-soignantes étrangères » venues d’Europe de l’Est, que les derniers célibataires du lieu avaient épousées.
Alors, cette fois, c’est non ! Pourtant, ils vont rester (car sinon, où aller ?). Une saison
douce raconte ce statu quo, où la haine cède parfois le pas à l’empathie. La grande trouvaille repose sur ces deux choeurs de femmes narratrices : les villageoises, et les migrantes, dont s’extraient parfois des personnages (masculins et féminins) pour quelques pages. Bien que rempli de défiance, le village redevient une communauté par la force du verbe. Une terre de littérature, pour transcrire combien « l’angoisse, le désarroi et la peur font partie de la condition humaine ». Une saison dans un « village ingrat [qui] savait aussi se montrer beau ».
Un lyrisme transcendant. ★★★★☆ UNE SAISON DOUCE (UN TEMPO GENTILE) MILENA AGUS TRADUIT DE L’ITALIEN PAR MARIANNE FAUROBERT,
176 P., LIANA LEVI, 16 €