Lire

« J’AI IMAGINÉ CE QUE FLAUBERT POURRAIT PENSER DE SA VIE AUJOURD’HUI »

- par Claire Chazal

J’ai découvert Régis Jauffret en participan­t, en 2008, à la 7e Nuit blanche du Théâtre du Rond-Point, consacrée à ses Microficti­ons. Nous étions 130 à nous succéder sur scène pour lire l’une des nouvelles de cet écrivain de la folie, de la cruauté, de l’humiliatio­n, qui avait reçu peu avant le prix Femina pour Asiles

de fous (2005). Passionné par les faits divers, il écrira ensuite Sévère sur le meurtre d’Édouard Stern, Claustria sur l’affaire Fritzl et La Ballade de Rikers Island sur Dominique Strauss-Kahn. En fait,

Régis Jauffret cache mal une profonde humanité. Dans Papa, paru l’an dernier, il revenait sur le mystère d’un père emmené un jour par la Gestapo lors de la Seconde Guerre mondiale. Un document filmé au pied de son immeuble marseillai­s, exhumé bien longtemps après, avait ouvert à son fils écrivain des abîmes d’interrogat­ions. Aujourd’hui, il s’attaque à un monstre de la littératur­e, dont il a épluché très jeune la correspond­ance : Gustave Flaubert. Le voilà lancé dans de minutieuse­s recherches sur l’auteur de Madame

Bovary. Et cela donne un livre brillant, livré l’année même du 200e anniversai­re de la naissance du romancier. Le Dernier Bain de Gustave Flaubert n’est pas une biographie mais une vision personnell­e, fouillée, pleine de réalisme, de la vie et de l’écriture de Flaubert. Et bien sûr de sa mort. Dans son goût du détail, le style de Jauffret se rapproche bien sûr de celui, obsessionn­el, de son maître. Mais surtout, il s’applique à défaire un certain nombre d’idées reçues : non, Flaubert n’était pas l’idiot de la famille, comme l’a écrit Sartre, mais un boulimique, très tôt, de lecture et d’écriture. Non, il n’était pas mal-aimé de ses parents mais au contraire adoré de sa mère. Non, il n’a pas été un homme à femmes malgré ses nombreuses maîtresses, mais un amoureux des hommes, comme en témoigne son histoire d’amour déchirante avec Alfred, son ami d’enfance, ou sa relation avec Maxime Du Camp, son compagnon de voyage et de débauche en Orient. Voilà, Régis Jauffret rétablit la vérité sur Gustave Flaubert. Sa vérité, bien sûr, et c’est passionnan­t.

 ??  ?? HHHHI LE DERNIER BAIN DE GUSTAVE FLAUBERT RÉGIS JAUFFRET 336 P., SEUIL, 21 €. EN LIBRAIRIES LE 4 MARS.
HHHHI LE DERNIER BAIN DE GUSTAVE FLAUBERT RÉGIS JAUFFRET 336 P., SEUIL, 21 €. EN LIBRAIRIES LE 4 MARS.

Newspapers in French

Newspapers from France