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3 QUESTIONS À CHANTAL T. SPITZ

- Propos recueillis par H.P.

Vous avez écrit le premier roman tahitien, L’Île des rêves écrasés, en 1991. Pourquoi à ce moment-là ? Chantal T. Spitz. Ma génération

– j’ai 66 ans aujourd’hui – a connu l’avant et l’après-CEP [Centre d’expériment­ations

nucléaires du Pacifique]. Elle est aussi celle des révoltes et des quêtes d’identité de 1968. L’enfant à la peau sombre qui lisait Martine, en sachant qu’elle ne lui ressemblai­t pas, a senti souffler alors un vent de liberté. Pour elle, écrire était un besoin.

La vie traditionn­elle ne mettait en avant que le « nous ». Nous avons appris à dire « je ».

Ce passage à l’écriture a-t-il été difficile ? C.T.S. J’avais intégré l’idée que les Tahitiens ne savaient rien faire. Au lycée Gauguin de Papeete, un professeur à qui j’avais confié mon envie d’écrire m’a répondu : « Un Tahitien, ça ne publie

pas. » Un autre refusait de croire que j’avais écrit seule une dissertati­on qu’il trouvait bonne. Ma soeur, qui avait trouvé mon manuscrit dans mes affaires, m’a convaincue de le montrer à un éditeur.

Comment a-t-il été accueilli ? C.T.S. Le livre dressait un portrait impitoyabl­e des « demis », cette classe aristocrat­ique de métis qui tiennent l’île. L’accueil a été terrifiant. J’ai été menacée, j’ai reçu des coups de fil anonymes, des insultes… Les seuls qui aient aimé, en fait, ce sont les Français. Mais quelque chose était né…

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